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09/02/2010

ALTIANI, chapelle San MICHELE

Ce dimanche 7 février 2010,
visite à la chapelle San Michele,
 à ALTIANI, PIEVE de ROGNA,
Canton de Bustanico,
moyenne vallée du TAVIGNANO 
Altiani paysage blog.jpg
(Le village d'Altiani)
Une lumineuse journée de découverte improvisée et  partagée en bonne compagnie des amis Nicole Munsch et Jean-Christophe Desrues!
Si l'église piévane San Giovanni Battista d'Altiani ( Piévanie de Rogna) est relativement bien connue de par sa situation - près du beau  pont génois élargi "Pont'à u large" construit au-dessus du Tavignano,  non loin de Corté, et visible depuis la route Corté/Aleria -, en revanche la chapelle San Michele  d'Altiani demande une intention particulière ... En ce qui nous concerne, nous sommes venus sur l'invitation réitérée des amis d'Altiani, Jean B. en particulier à qui j'avais promis depuis longtemps de venir découvrir cette chapelle, et que l'association locale Campà in Altiani , créée pour la sauvegarde du  patrimoine a entrepris de sauver de la ruine: on ne peut que les encourager dans leurs démarches et leur souhaîter toute l'énergie nécessaire -  et il en faut !  - pour porter ce beau projet !
Altiani S michele paysage.jpg
Ecoutons le rapport qu'en faisait  Geneviève Moracchini-Mazel dans son ouvrage " Les églises Romanes de Corse" , en 1967:
" Elle se trouve à 15 minutes de marche du village et ne sert plus au culte. Sa charpente s'est effondrée il y a une quinzaine d'années mais les murs ne sont pas encore dégradés.
(...)
La nef unique se termine à l'Est par une large abside semi-circulaire voûtée en cul-de-four. Les maçonneries sont en partie crépies, en façade surtout, et sont donc peu faciles à observer . Toutefois le mur extérieur de l'abside, qui a perdu son crépissage, montre un appareil grossier de pierres éclatées plutôt que taillées qui nous rappelle celui de l'abside de San Petruculo d'Accia (fin du VI° s.)
Altiani S Michele abside extérieur.jpg
(note: entre temps, le crépi est aujourd'hui largement tombé à l'extérieur, mais il reste en place sur le mur Sud)
Les trous de charpente sont apparents et la petite fenêtre de l'abside comporte des piédroits monolithiques et une archivolte échancrée selon le tracé d'un arc en plein cintre.
IMG_8115.JPG
(cette fenêtre-meurtrière présente des traces de fresques que nous avons découvertes avec intérêt! Je reviendrai là-dessus plus loin)
Des dalles plus soignées et plus larges renforcent les angles S.- E.  et N.-E. de la nef. Il est certain que les murs latéraux (éclairés chacun par une étroite fenêtre  meurtrière rectangulaire) et la façade occidentale ont subi des réfections (vers le IX°-X° s.?).
A l'intérieur, la nef qui a 13,86 m de longueur et 6,88 m de largeur est entièrement crépie; on devine cependant que l'arc triomphal est fait de claveaux assez bien taillés? Au XVIII° s., on avait séparé la nef de l'abside par un grand mur établi à l'aplomb de cet arc et on avait disposé  l'autel contre ce mur.
Altiani S Michele intérieur.jpg
(la végétation a pris possession des lieux et l'eau ruisselle dangereusement sur le décor peint au-dessus de l'autel)
En 1589, Mgr Mascardi avait visité cette église alors paroissiale (fol. 157 vo): " ... elle se trouve à un demi-mille  des habitations ... ses murs sont peints en partie ... elle a deux portes ... elle n'est pas assez lumineuse avec une fenêtre unique ... ses revenus atteignent 42 aurei en terre et en prémices ; on y célèbre le jour de la fête et à l'occasion des funérailles; il n'y a pas de campanile, mais une cloche est pendue à un arbre dans le cimetière ... son autel se trouve sous une abside peinte ..."
(in "Les Eglises Romanes de Corse, p. 332)
Un examen attentif révèle en effet des traces des fresques dans l'abside, derrière le mur de séparation du choeur, malheureusement trop lacunaires pour qu'on puisse se faire une idée de l'iconographie, mais qui témoignent une fois de plus de la richesse de ce que fut ce patrimoine des fresques en Corse.
fresque fragment abside 1.jpg
(...traces ...)
inscription embrasure fenêtre abside.jpg
(et dans l'embrasure de la fenêtre de l'abside, des éléments d'inscription ...)
fresque fenêtre latérale nord blog.jpg
élément de fresque découvert dans la fenêtre du mur nord:
une poutre, dans sa chute, s'est malencontreusement encastrée contre le décor...
 Que cette chapelle soit dédiée à l'archange St Michel, notre Passeur d'âmes,  explique qu'un cimetière soit mentionné en sa proximité, même si, pour l'instant on n'en a pas trouvé de restes:
" Domine Jesu Christe, Rex gloriae, libera animas omnium fidelium defunctorum de poenis inferni, et de profondo lacu: libera eas de ore leonis, ne absorbeant eas tartarus, ne cadant in obscurum: sed signifer sanctus Michael repraesentet eas in lucem sanctam . Quam Olim Abrahae promisti, et semini ejus. " ( ... Que le porte-étendard céleste les ( les âmes des fidèles défunts) introduise dans la lumière sainte promise à Abraham et à sa descendance: Offertoire de la messe des Morts).
... Ce n'est pas un petit rôle ... d'autant que à cet instant crucial ... Satan accourt, prompt de la griffe et de la dent pour saisir ces pauvres âmes défuntes ... Heureusement, San Michele veille, armé de son glaive redoutable :
Altiani décor mural S Michel.jpg
... comme nous le rappelait sans doute dans toute sa gloire passée cette peinture murale au-dessus de l'autel, oeuvre du XVIII° s. dont il ne reste, hélas, que peu de choses, un élégant décor végétal, deux angelots dont le visage a viré de couleur (oxydation) ... et ce glaive de feu brandi d'une main ferme...
DSCF3188.JPG
On retrouvera le même thème  exprimé dans l'église paroissiale du village d'Altiani (je reviendrai sur cette intéressante église de l'Annonciation, hélas victime d'un "relookage latouresque" redoutable !)
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St Michel (photo impossible à prendre!)
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... maîtrisant l'un des plus affreux Diables de ma connaissance ... à ne pas rencontrer au coin de la vie!
Tout un monde que l'on aimerait voir restitué ... et en attendant, protégé au plus vite des intempéries ...
Sandrine L. nous a accompagnés avec beaucoup de gentillesse et de compétence sur le site:  revenue vivre au village, elle retrouve et interroge ses racines. Tout autour de nous, vieux oliviers, chataîgniers, et, à flanc de côteau, terrasses enfouies sous la végétation - naguère cette terre nourrissait encore son monde: en 1901, Altiani dénombrait 690 habitants, mais combien se sont exilés dans l'espoir d' une vie meilleure? et combien ont payé le prix fort lors des grandes guerres? Ils n'étaient plus que 329 en 1921 ...
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(... les Monuments aux Morts sont toujours éloquents ...)
Au-dessus de San Michel règne le domaine de la pierre, car la chapelle a été construite au pied d'un ensemble rocheux impressionnant, là où vivaient les premiers habitants du village de " u Petraghju":
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... déferlements rocheux faisant souvent saillie, consolidés ça et là par des murets de pierre, l'endroit est "habité": un peu plus haut, une fois franchi le chaos de pierres, de ronces, de racines entremêlées, des restes de constructions qui signent l'occupation humaine ancienne:
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Le peuplement d'Altiani ne date pas d'hier ... Au-dessus du village, Sandrine nous parle  d'une voie romaine, ce qui ne nous étonne guère (petits morceaux de poterie au sol) : le site de San Giovanni de Corté n'est pas bien éloigné, où l'on situe une bourgade romaine, peut-être la cité  de Venicium ... Je ne serais pas plus étonnée que cela si l'on retrouvait des traces d'un peuplement plus ancien encore dans ce bastion rocheux ...
(à suivre)
 
 

18/08/2008

Castirla Août 2008:Brève du Purgatoire

 CASTIRLA Cappella San Michele

 

Castirla cimetière et chapelle.jpg

  Faut-il sauver San Michele di CASTIRLA ? ( Pieve de Talcini)

 

Le cimetière de CASTIRLA et la petite chapelle San Michele, chère à mon coeur, à taille humaine, évidente et fragile sous ses teghje dérangées, sa charpente ruinée par la mérule et les insectes xylophages...  Dans son environnement un peu trop paisible, un peu trop silencieux, un peu trop loin de la communauté des vivants.

 

 

 

 

Chronique:

 

"Mgr Mascardi a visité cette chapelle en 1589 (fol. 244): "... Eglise paroissiale San Michele, annexe de Sant'Andrea d'Omessa... elle se trouve à un tiers de mille des habitations... son toit laisse passer la pluie... il y a deux portes... les murs sont pleins de trous et comportent une fenêtre en mauvais état... il y a une cloche pendue à un arbre... l'autel est placé sous une abside peinte... il y a 21 feux et 80 âmes" (cité par Geneviève MORACCHINI MAZEL dans "Les Eglises Romanes de Corse", publié avec le concours du C.N.R.S. en 1967).

"Nous supposons que la chapelle San Michele pourrait appartenir au groupe préroman le plus ancien, entre le VIIe s. et le IXe s. ( idem)

A cette époque, bien évidemment, il n'y avait pas de cimetière autour de la chapelle.

Et voici ce qu'en dit Joseph ORSOLINI, pionnier sensible et passionné dans son ouvrage " L'Art de la Fresque en Corse de 1450 à 1520" publié en 1989:

"Sauvée une première fois de la ruine en 1963 (couverture en tôles, charpente effondrée...) la toiture de la chapelle a été refaite en 1983 par l'entreprise Piacentini de Furiani, à la demande des Bâtiments de France. Son toît de "teghje" est surmonté d'un clocheton de construction tardive (XVIIIe s.) ... Les fresques (fin XVe S.) sérieusement décollées par les intempéries furent restaurées en 1964 par les Monuments Historiques (...) Aujourd'hui protégées, elles sont le symbole par excellence de la tradition picturale populaire. (...)"

 

castirla 005 ensemble blog.jpg
 

 

 Ensemble des peintures de l’abside en cul de four et de son arc triomphal, datables de la fin XVe siècle. Une iconographie bien établie dans nos "chapelles à fresques": au centre de l'abside, le Christ Bénissant, entouré du Tétramorphe. Sous ses pieds, les douze apôtres. De part et d'autre, sur l'Arc triomphal, la scène de l' Annonciation. Sur les pieds de l'Arc, à gauche, la Vierge à l'Enfant, à droite, St Michel.

 

 L’histoire bégaye trop souvent et  25 ans après la réfection de la toiture, voici l’état effrayant de la chapelle : ce lieu où se vit encore, mais pour combien de temps ? le divin dans une expression touchante, appliquée, un peu maladroite, est à nouveau proche de la ruine. Ces dernières années, avant 2004, lors de mes visites de "la Montagne des Orgues", j'avais pris l'habitude, aussi souvent que possible, de faire découvrir ce petit sanctuaire intime, son abside peinte à hauteur d'homme où l'on tutoie sans crainte le Christ en Majesté tant son visage est proche et son humanité évidente.

 

 

 

 

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Le Christ en majesté, bénissant de sa main droite, et tenant de sa gauche le traditionnel livre ouvert: "EGO SUM LUX MUNDI ET VIA VERITAS ET VITA". Il est encadré comme de juste par la représentation du tétramorphe et l'on voit derrière sa tête la Jérusalem Céleste.

Ces fresques ont déjà beaucoup souffert, lessivées par les intempéries, certaines parties se sont effacées comme le visage de Saint Michel, les orbites des yeux de certains  saints personnages se sont vidées depuis longtemps de leurs prunelles, mais il reste un ensemble plein de vie qui résiste encore, mais pour combien de temps? à la dégradation générale de l'édifice.

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                           ... l'Archange Gabriel, dans la scène de l'Annonciation, écoinçon de gauche de l'Arc triomphal....

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... et dans l'écoinçon de droite, la Vierge en prière reçoit la Colombe de l'Esprit Saint.

Les tentures pourpres de sa chambre close évoquent peut-être l'intimité inviolable de son ventre maternel. Le bleu de son manteau, couleur céleste, a bientôt disparu, seul reste le rouge-humanité de sa robe.

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...sous les pieds de la Vierge, l'Archange St Michel, le Saint Patron de cette chapelle.

Selon l'usage, il pèse les âmes et maintient Satan sous sa lance.

Dans la partie basse de l'abside l'on peut détailler les douze apôtres, comme autant de piliers solides de l'église.

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 ...parmi eux, Saint Barthélémy, sa peau d'écorché sur l'épaule et le couteau de son supplice à la main...

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... le tétramorphe, comme toujours, est représenté.
De part et d'autre de la figure majestueuse du Christ: ici, les pattes sur le livre, voici le Taureau ailé symbolisant l'Evangéliste Luc..
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L'Ange du Tétramorphe, symbole de l'Evangéliste Mathieu.
 

 

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...  à gauche de l'abside, sous Gabriel, la Vierge présente sur ses genoux l'Enfant Jésus à l'adoration des fidèles...

Mère de Dieu, Mère de l'Eglise. Là encore, les couleurs se sont estompées... A sa droite, la frise des apôtres en grande conversation et tenant le Livre à la main. Au-dessus de leurs têtes, on aperçoit le Lion de l'Evangéliste Marc.

 
 
 
chapelle Castirla 1.jpg

Et maintenant, voici l'état actuel de la charpente, vue lors de mon dernier passage à la chapelle, le 13 AOÜT 2008. La chapelle est bien entendue fermée au public: les risques d'effondrement de la toiture sont malheureusement aujourd'hui confirmés.

La partie de droite de la charpente a déjà cédé et l'on voit le jour à de nombreux endroits. Sous l'action de la mérule ( ce champignon qui ôte toute cohésion aux fibres du bois, une véritable peste), les poutres ne peuvent plus soutenir le poids des teghje (dalles de pierre couvrant traditionnellement le toit, très lourdes). La mérule s'est installée insidieusement, profitant du glissement incontrôlé de certaines teghje, de l'absence de surveillance régulière de ce lieu, du lessivage des pluies pénétrant en force, de l'obscurité ambiante, un vrai régal pour tous les prédateurs du bois, de quel ordre qu'ils soient... Les taches blanchâtres sur les poutres signent la présence de la mérule, que j'ai appris à reconnaître grâce à un ami architecte qui faisait cette visite avec moi en 2004... Nous avions alerté alors la municipalité de Castirla qui se bat depuis pour tenter de trouver une solution à cette situation d'urgence.

chapelle Castirla 3.jblog pg.jpg

Les instances sollicitées par le maire pour tenter de sauver cet édifice classé par les Monuments historiques le 22 septembre 1958, demandent à ce que soient réalisées des fouilles archéologiques avant de s'atteler à la restauration de la chapelle. L'archéologue pressentie pour ces fouilles a exprimé le désir somme toute assez humain de rester en vie, et remet son intervention à une date indéterminée, lorsque la toiture sera hors de danger... de nuire. A la suite de quoi, l'architecte en chef des M.H. demande à la mairie de Castirla de déposer le toit et de construire une charpente provisoire recouverte de tôles (retour à la case départ! ), ce qui engendre des dépenses très importantes pour cette petite commune proche de Corte. Ce qui  signifie aussi que l'on devra, pour la énième fois, payer une nouvelle toiture... éphémère, celle-là, en attendant d'engager à nouveau de futures dépenses pour la reconstruction de ce toit dont rien, décidément, ne nous garantit le caractère définitif...

Il est dommage que cette chapelle n'ait pas fait l'objet d'une surveillance, après la réfection du toit en 1983. On aurait évité le pire, et allégé d'autant les dépenses de la Mairie et de l'Etat.

Ces toits de lauzes étaient autrefois régulièrement surveillés, entretenus comme l'on entretenait le toit de sa propre maison. On savait que le moindre glissement de teghje entraine forcément et rapidement des dégats, et l'on n'attendait pas pour agir, la chapelle ou l'église paroissiale étant alors vécue au quotidien. Notre problème vient de ce que ces chapelles sont éloignés "physiquement et moralement" des communautés dont elles dépendent. Toutes n'ont pas, comme à Cambia, un ange gardien qui les surveille amoureusement ...

Castirla sol jonché.jpg

                                                                     ... éparpillés au sol, des débris de la charpente...

J'ai été profondément surprise de découvrir que cette chapelle si menacée d'effondrement prochain ne faisait pas partie de la première tranche de travaux engagés par la Collectivité Territoriale de Corse: ce projet magnifique des restaurations de nos chapelles à fresques est porteur d'espoir, mais je me demande si nos responsables du Comité scientifique créé au sein de la C.T.C. pour étudier ces projets de restauration  sont venus récemment sur le site de Castirla et s'ils ont connaissance de l'état aujourd'hui désespéré de cette chapelle. Castirla mérite bien autant d'amour et de soins, malgré sa modestie et sa naïveté, que celles de Sermanu, Cambia, E Valle di Campuloru, Brandu (les quatre chapelles sélectionnées pour cette première tranche)... L'urgence absolue d'une intervention saute aux yeux, et si, par malheur, la charpente vient à s'écrouler avant qu'on intervienne, il est probable que les murs suivront de près cette ruine. Ce qui serait traiter le problème par le vide.

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Ceci était "une brève du Purgatoire", pavé, comme l'Enfer de bonnes intentions....

 (à suivre)