09/03/2018
1-l'énigme de San Rodrigo de Cordoba à Cassano
A l'attention des amis de Cassano rencontrés aujourd'hui à Muro, je réédite ces notes de janvier février 2013, petite enquête sur une toile de l'église de Cassano ...
Où San Rodrigo di Cordoba,
Saint Rodrigue de Cordoue
s'invite à Cassanu
(village du Montegrossu, Pieve de Pino, Balagne, Corse)
Hier, dans le Montegrossu, par une lumineuse journée d'hiver.
Selon les chroniques, vers l'an 950, le dernier des six rois maures de Corse, Nugolone - ou Hugolone, aurait choisi dans cette région l'emplacement de sa capitale, nommée Corduvella, comme la "Cordoue" d'Espagne, et l'antique cité romaine de Corduba.
Ceci pour planter le décor. Le Montegrossu accueille désormais (1971/1972) trois villages dans sa communauté: Montemaio, Lunghignanu, Cassanu.
L'église de Cassanu, dédiée à l'Annonciation, riche d'un patrimoine pictural assez exceptionnel, nous pose par ailleurs une énigme troublante. Si l'on connait bien son très beau retable sur bois signé et daté d' Antonio de Calvi, 1505:
l'on identifie infiniment moins bien certaines des toiles intéressantes de l'église, comme ce saint diacre martyre présent au fond du choeur, à une place fort honorifique derrière le maître-autel, et qui m'a laissée perplexe:
"d'après Murillo" ... à Cassano,
un diacre martyre ... à dire vrai, en Corse, on rencontre "d'habitude" soit Saint Laurent et le gril de son brûlant martyre, soit Saint Etienne et les dures caillasses de sa lapidation, soit Saint Césaire de Terracine précipité à la mer. Ici, notre diacre mystérieux tient à la main la palme de son martyre et une sorte de couvre-chef énigmatique qui s'avèrera être une barrette. Appelé à la rescousse, Michel-Edouard Nigaglioni me donne d'un coup de baguette magique la solution: il s'agit de Saint Rodrigue de Cordoue ...
En bas à gauche, malheureusement en partie illisible, un écrit signale qu'il s'agit d'une copie de Murillo, faite, me semble-t-il lire, en 1832 (?).
Copie du Saint Rodrigue, alias Rodrigo de Cordoba, magnifiquement peint par Bartolomé Esteban Murillo, aujourd'hui à la Gemäldegalerie Alte Meister, à Dresden (Allemagne). Gal.-Nr. 704
Sur sa damaltique, bien reconnaissables, les personnages de Saint André et Saint Paul. Au cou, la blessure de sa gorge tranchée, mais rien n'exprime la souffrance du martyre, tout est extase.
Vous ne le connaissez peut-être pas ... En tous cas, le moins qu'on puisse dire est qu'il ne fait pas partie des saints "habituels" de Corse. Voici donc ce que vous pourrez lire sur le site suivant:
"Saint Rodrigue et saint Salomon de Cordoue
Martyrs († 857)
Saint Rodrigue avait deux frères vivant à Cordoue sous la domination arabe. L'un était chrétien et l'autre musulman ; ils se battaient souvent pour des questions de religion. Un jour, voulant les séparer, il reçut tous les coups et fut considéré comme mort.
Son frère catholique s'enfuyant par crainte du calife d'Espagne, son autre frère musulman emmena son corps en ville et accusa le catholique d'avoir tué un musulman, prétendant que Rodrigue s'était converti.
Rodrigue revint alors à lui et nia son attachement à l'islam, criant haut et fort sa foi chrétienne. Le Cadi le mit alors en prison pour « apostasie » où il rencontra Salomon, accusé du même crime : être chrétien. Liant amitié, ils passèrent le peu de temps qu'il leur restait en prière.
Ils furent décapités le même jour à Cordoue."
Mais que diable (sic!) fait donc Saint Rodrigue dans l'église de ce petit village de Cassano ? Et qui a exécuté cette copie d'une oeuvre de Murillo attestée au Musée de Dresde depuis 1862 ? Et qui a offert cette copie à l'église de Cassano?
Nous avons épluché les archives paroissiales et de confréries parfois fort anciennes (début XVII° s.) présentes à l'église en quête - sans guère d'espoir - d'un hypothétique nom de famille Rodriguez, en vain. Il nous faut explorer d'autres pistes qui risquent de nous faire voyager dans le temps et bien au-delà de la Balagne.
Le lien avec l'Espagne me semble évident. Dans la marmite des interrogations se mêlent entre autres les migrations précoces des calvais - avec leur passage obligé par Séville - vers les pays du Nouveau-Monde, la légende fantasmée et noire de Don Juan de Mañara au village voisin de Montemaio, le passage à Cassano de la belle impératrice Eugénie (de Montiro) , épouse de Napoléon III, et qui était, comme on le sait, "l' Espagnole" d'Andalousie ...
( à suivre!)
17:38 Publié dans carnaval, corse, histoire de la Corse, iconographie des saints, saint Rodrigue/ Saint Laurent à Cassano | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : saint rodrigue de cordoue, bartolome esteban murillo, cassano, séville, corduvella, ugolone, impératrice eugénie, napoléon iii, montegrosso, montemaggiore, don juan de manara | Facebook |
30/06/2017
Montegrosso fête San Rainiero dimanche 2 Juillet ...
Ce dimanche 2 Juillet Montegrosso honorera son saint patron
San Rainiero
San Rainiero, en costume de pèlerin, et tenant la croix de Pise
lors d'une messe solennelle célébrée à 18 h dans la belle église Saint Augustin de Montemaggiore en compagnie de la Compania di San Ranieri de Pise et des confrères de Balagne ...
https://youtu.be/2-Ofo9k_gCs
Saint Rainier, San Ranieri da Pisa, est uniquement présent à Montemaggiore sur le sol corse , ce qui en fait un cas illustre:
" Ce document [ "extrait des Chroniques de Pise"] rapporte aussi qu'au temps où l'un des évêques de Sagone résidait à Montemaggiore, on eut connaissance de la cérémonie de dedicacio de San Rainiero en présence de l'archevêque de Pise et de quatre évêques avec dépôt de reliques dans l'autel" (Geneviève Moracchni Mazel: Les églises romanes de Corse, p. 264)
L'église San Rainieru " aurait pu être bâtie dans le troisième quart du XII°s." (ibidem)
Une époque donc où les liens entre la Corse et Pise étaient très étroits.
Gaubert en fait la description ( entre 1886 et 1889) sur cette planche (emprunté au site: Coggia.com)
A retrouver sur le très beau site de Corse romane:
Montemaggiore: S Rainiero - Corse Romane
Quant à la vie du saint patron de Pise et de Montemaggiore, je vous renvoie au site de Nominis:
http://nominis.cef.fr/contenus/saint/1337/Saint-Rainier.h...
San Rainieru qui reprendra demain le chemin de sa chapelle après la messe ...
... Troubadour ( dit-on, joyeux et dissipé), converti par le bienheureux Albert de Sienne, qui après avoir fait pénitence dans un couvent de Pise et distribué tous ses biens aux pauvres s'embarque pour la Palestine. " Les prêtres de Jérusalem lui firent présent d'une schiavine, c'est-à-dire d'une tunique d'esclave grossière qu'il porta toujours depuis par humilité" (Louis Réau, Iconographie de l'Art Chrétien, p.1136).
Après une vie exemplaire et de nombreux miracles, il meurt à Pise en 1160 ce qui fait de la dédicace de San Rainieru de Montemaggiore l'une des plus précoces de ce saint.
Vous pouvez retrouver son évocation à Pise dans ce document:
11:53 Publié dans Saint Rainier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : montemaggiore | Facebook |
10/02/2013
Montemaggiore et les Âmes du Purgatoire
Où l'ombre de Don Miguel Mañara Vincentello de Leca y Colona (1627 - 1679) s'égare bien malgré lui à Montemaggiore et rencontre son avatar Don Juan
Ces jours-ci, le village de Montemaggiore, tout voisin de Cassano, commune de Montegrosso, Pieve de Pino. Balagne.
Tout d'abord, je vous engage à une lecture passionnante, celle du long article écrit par notre ami Alfredo ORTEGA: " La Corse et Don Juan: la légende noire de Miguel Mañara" pour l'Adecec, à retrouver sur le site:
La Corse et Don Juan: la légende noire de Miguel Mañara
l'autel du Rosaire et ses stucs raffinés datables, d'après notre amie Caroline Paoli, des années 1770/1780 et "attribuables à l'un des frères Cagliata, Antonio ou Giuseppe, très actifs entre ces deux dates et originaire de Lunigiana.
accueille cette toile peinte et repeinte par des auteurs anonymes :
au centre du tableau,. le sujet de la donation du Rosaire par la Vierge et l'Enfant à St Dominique et Ste Catherine de Sienne est tout-à-fait conforme à la norme.
Tandis que sous cet ensemble habituel l'on découvre la raison de cette dévotion: il s'agit bien d'aider à la délivrance de ces pauvres âmes du Purgatoire par la récitation du Rosaire. Je vous laisse découvrir le récit savoureux qu'en fait notre peintre anonyme de Montemaggiore:
Ne dirait-on pas une plaisante publicité pour quelque chaude station balnéaire?
Rien de très terrifiant dans ce bain de flammes ... on est bien loin de la description fantasmée de Mérimée:
" Il y avait dans l’oratoire de la comtesse de Maraña un tableau dans le style dur et sec de Moralès, qui représentait les tourments du purgatoire. Tous les genres de supplices dont le peintre avait pu s’aviser s’y trouvaient représentés avec tant d’exactitude, que le tortionnaire de l’Inquisition n’y aurait rien trouvé à reprendre. Les âmes en purgatoire étaient dans une espèce de grande caverne au haut de laquelle on voyait un soupirail. Placé sur le bord de cette ouverture, un ange tendait la main à une âme qui sortait du séjour de douleurs, tandis qu’à côté de lui un homme âgé, tenant un chapelet dans ses mains jointes, paraissait prier avec beaucoup de ferveur. Cet homme, c’était le donataire du tableau, qui l’avait fait faire pour une église de Huesca. Dans leur révolte, les Morisques mirent le feu à la ville ; l’église fut détruite ; mais, par miracle, le tableau fut conservé. Le comte de Maraña l’avait rapporté et en avait décoré l’oratoire de sa femme. D’ordinaire, le petit Juan, toutes les fois qu’il entrait chez sa mère, demeurait longtemps immobile en contemplation devant ce tableau, qui l’effrayait et le captivait à la fois. Surtout il ne pouvait détacher ses yeux d’un homme dont un serpent paraissait ronger les entrailles pendant qu’il était suspendu au-dessus d’un brasier ardent au moyen d’hameçons de fer qui l’accrochaient par les côtes. Tournant les yeux avec anxiété du côté du soupirail, le patient semblait demander au donataire des prières qui l’arrachassent à tant de souffrances. La comtesse ne manquait jamais d’expliquer à son fils que ce malheureux subissait ce supplice parce qu’il n’avait pas bien su son catéchisme, parce qu’il s’était moqué d’un prêtre, ou qu’il avait été distrait à l’église. L’âme qui s’envolait vers le paradis, c’était l’âme d’un parent de la famille de Maraña, qui avait sans doute quelques peccadilles à se reprocher ; mais le comte de Maraña avait prié pour lui, il avait beaucoup donné au clergé pour le racheter du feu et des tourments, et il avait eu la satisfaction d’envoyer au paradis l’âme de son parent sans lui laisser le temps de beaucoup s’ennuyer en purgatoire."
à suivre!
19:50 Publié dans corse, iconographie des saints, livres sur la corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : montemaggiore, antonio cagliata, giuseppe cagliata, murillo, don miguel mañara, don juan maraña, mérimée, mes âmes du purgatoire | Facebook |