22/04/2013
E Case bastiaccie ... (n° 1)
Ce samedi 20 avril, à la découverte des "Case Bastiaccie" de Terra Vechja, à Bastia:
une initiative du Comité de sauvegarde du quartier Puntettu
Sur la Place du Marché, premier contact avec notre guide, Isabelle Flores, Présidente de la Fédération régionale corse des guides-interprètes.
Hier matin, visite très instructive du vieux Bastia, "la" ville méditerranéenne de Corse par excellence, surtout côté Terra Vechja, guidée par notre amie Isabelle Flores, qui a fait joliment revivre le passé insigne du plus vieux quartier de l'ancienne capitale de la Corse. Une initiative intelligente du Comité de quartier Puntettu pour mieux faire appréhender toute la dimension humaine, patrimoniale et historique de cet ensemble unique en Corse et qui a généré une belle rencontre entre de très nombreux Bastiais, mais aussi de gens venus de Balagne . On a pu prendre la mesure de la situation dramatique que vivent actuellement les habitants du quartier du Puntettu, menacés par le projet municipal de démolition de cinq immeubles - certes vétustes mais non irrémédiablement insalubres - pour créer une nouvelle résidence et un parking de 80 places . Le label durement gagné de "Bastia, ville d'art et d'histoire" semble en contradiction notoire avec ce projet que l'on aurait voulu, samedi, voir argumenté par les responsables de la Municipalité devant la centaine de participants présents : cette absence de communication entre les élus de Bastia et les habitants du quartier reflète en tous cas l'extrême complexité de ce dossier et le pourrissement d'une situation où responsabilités et irresponsabilités des uns ou des autres n'ont pas toujours permis un engagement unanime pour le bien commun.
Quoi qu'il en soit et en attendant l'enquête publique sur ce quartier du Puntettu, la journée d'hier nous a permis de découvrir tout un monde ancien où se côtoient immeubles rénovés (bravo!) et chaleureusement colorés, et immeubles décatis, rongés par l'insalubrité . Un quartier vivant et riche de sa mixité sociale où jouent tranquillement les enfants entre les murs hauts et serrés des ruelles.
comme le petit Kevin souriant sur sa bicyclette pimpante
Quelques images donc de notre balade dans ce qui fut le quartier des grandes familles commerçantes et notables dès le XVII° siècle:
Isabelle Flores plante le décor devant le Palais Cardi (fin XVI° s.), rue des Terrasses.
Une façade impressionnante qui raconte, sur plusieurs étages, la réussite ancienne de la famille Cardi, originaire du village de Cardo: commerçants, militaires, ecclésiastiques, politiques ...
On monte au deuxième niveau par un escalier qui donne sur l'une des terrasses qui a donné son nom à la rue: le portail principal donnait accès aux appartements de réception. L'étage supérieur était occupé par la famille. Au-dessus, encore, et bas de plafond, celui des domestiques.
Surmontant la porte, ce bas-relief en ardoise: deux femmes encadrent les armoiries des Cardi surmontées d'un heaume empanaché.
toute proche , au 4 rue des Terrasses, la Maison Castagnola (fin XVI° s) et son portail .
Dans le vestibule de la Maison Castagnola, les plus anciennes peintures décoratives profanes de Bastia: de quoi blouser l'invité de passage:
avec, entre autres, une galère et son équipage,
une scène de "tauromachie",
la cité sainte de Loreto ...
Au-dessus d'une fenêtre, dans l'escalier, une ardoise portant le sigle IHS - Jesus Hominum Salvator, et des traces de décor peint ... Cette demeure devait être bien splendide en son temps.
La rue des Terrasses, prise depuis la Maison Castagnola: tout proche, de l'autre côté, le Palais des Cardi. Compétition oblige! Ces grandes familles se sont illustrées au cours des siècles dans la vie politique de Bastia.
Dans la rue étroite, le soleil n'arrive qu'aux étages supérieurs. Ici et là, d'imposants portails de pierre soulignent l'ancienne notabilité de ce quartier:
Je ne sais quel saint patron logeait dans le petit édicule au centre du fronton interrompu, avec la charge de protéger la famille de cette maison ...
Ici, le portail sculpté en pointes de diamant de la Maison(1628) du notable Micheletto Sisco bousculé par un jambon a perdu un piédroit ...
Le linteau de la Maison Guasco (début XVII°s.).
Le nom du constructeur, Bernardino Guasco accompagne la dévotion de Ste Claire "S. CL.ra Ora Pro Nobis. Parmi les personnages illustres de cette famille Guasco, il faut signaler Matteo Guasco (1720 -1802), évêque et député du clergé de la Corse.
cette famille se place donc sous la protection de Ste Claire et sa monstrance:
en 1241, les Sarrasins voulurent attaquer le couvent où vivait Ste Claire, la fille spirituelle de St François d'Assise et fondatrice de l'ordre des Clarisses. L'abbesse Ste Claire sortit seule du couvent et alla à la rencontre des pillards, brandissant le Saint Sacrement dans un ostensoir, ce qui les mit en fuite. Cet ostensoir, ou monstrance (le plus souvent en cristal), est l'attribut principal de cette sainte. On peut imaginer que sa présence sur le linteau agit comme une protection efficace contre le monde barbaresque toujours menaçant sur la mer et les côtes corses, protection dont ont bien besoin ces familles bourgeoises dont la prospérité dépend du commerce et de la navigation ...
Ici le blason de la Maison Barbaggi-Rivarola: Giuseppe Barbaggi était le neveu par alliance de Pascal Paoli qui venait ici rencontrer et consulter la mère supérieure du couvent voisin des Ursulines, Maria-Domenica Rivarola, une femme de tête et de bon conseil.
Ici cette petite stèle pieuse
et là, cette niche accueillant la dévotion protectrice de Ste Catherine d'Alexandrie ...
Arrivée vers la rue de la Miséricorde: pour les amateurs de lumière, il vaut mieux habiter dans les étages supérieurs ... Isabelle nous fait remarquer que la nuisance, pour les étages inférieurs, n'étaient pas autrefois que l'obscurité, mais bien aussi la puanteur née de la vidange quotidienne des pots de chambre par la fenêtre: à vos mouchoirs, nez sensibles!
J'aurais aimé rencontrer également les gens modestes qui vivent aujourd'hui dans les logements vétustes et obscurs des rez-de-chaussée. Question: lorsque ces immeubles sont réhabilités, sécurisés, réaménagés, que deviennent les plus démunis d'entre les Bastiais, toutes origines confondues? Sont-ils relogés dans les mêmes conditions financières ? La mixité sociale , souhaitable, reste-t-elle de mise ?
Ici l'imposant Palais Bronzini de Caraffa, 4 rue Chanoine Letteron: à l'origine maison bourgeoise (1612) construite pour la famille Petroni, puis rehaussée de ses étages nobles et agrandie vers 1680 par le riche notable bastiais Anton Bastiano Caraffa, puis en 1775 par Giovan Battista de Caraffa, futur maire de Bastia (1789): tout le palais présente une grande richesse patrimoniale pour la Ville de Bastia qui compte bien le réhabiliter et le mettre en valeur.
... un balcon de pierre impressionnant!
Rebaptisée au XX° s. rue Chanoine Letteron, "u carrughju drittu", alias la rue Droite.
L'ancienne église Saint Ignace-de-Loyola, construite en 1635 pour les Jésuites devient, après l'épisode de l'expulsion (1769) des Jésuites, l'oratoire de la confrérie de st Charles Borromée. Accoté à l'église, l'ancien collège des Jésuites.
Proches du jardin Romieux, les maisons Bonavita et Romieu ...
exemple de réhabilitation réussie de l'ancien ...
(à suivre pour le reste de la visite et la problématique du quartier du Puntettu)
09:45 Publié dans corse, découverte du patrimoine en Corse, Méditerranée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bastia, terra vecchia, puntettu, palais cardi, palais bronzini de caraffa, casa castagnola, casa barbaggi-rivarola, ste claire | Facebook |
24/03/2013
Semaine Sainte: à la rencontre des sepolcri de Bastia et du Cap
Jeudi Saint 28 Mars,
rencontre des sepolcri (reposoirs) de la Semaine Sainte à Bastia et dans sa région
La mise au tombeau du Christ - Albert Gilio- 1957 (Vendredi Saint 2012)
Comme chaque année - les années précédentes , nous étions en Castagniccia - nous vous invitons à la découverte d'un patrimoine éphémère et caché, celui des sepolcri de la Semaine Sainte. Cette année nous irons rencontrer les reposoirs des confréries de l'Immaculée Conception et de Saint Roch à Bastia et de sa région proche dans le Cap Corse: Brando , San Martino di Lota ...
les silhouettes peintes du sepolcru de San Martinu di Lota, redécouvertes miraculeusement l'an dernier et exposées pour la première fois depuis des décennies lors du Vendredi Saint à la confrérie de San Martinu ... L'occasion de rencontrer également toute la ferveur des communautés lors des préparatifs des palmes tressés:
pour la cerca du lendemain ...
(Brando, Jeudi Saint 2010)
Un moment de convivialité important pour chaque village avant la longue procession entre les communautés.
(arrivée de la cerca , Vendredi Saint 2012)
Pour cette journée, renseignements au 06 17 94 70 72. Il faudra se lever de bonne heure ... et je crains fort que les parapluies soient de la partie, mais qu'importe!
(à suivre)
L'an dernier, sur ce même thème:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2012/04/10/jeudi-saint-2012-dans-le-rustinu-et-en-castagniccia.html
http://elizabethpardon.hautetfort.com/archive/2012/04/11/jeudi-saint-5-avril-suite-et-fin.html
Enfin, en mars 2012 paraissait le numéro 16 de la belle revue Arts Sacrés, avec un article sur le monde des sepolcri en Corse, certainement encore disponible chez l'éditeur.
16:52 Publié dans découverte du patrimoine en Corse, semaine sainte en corse, sepolcri de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bastia, sepolcri de corse, castellu brandu, san martinu di lota | Facebook |
09/03/2013
Bastia, le quartier du Puntettu en péril: débat.
" (... Je me permets de vous alerter sur un projet de restructuration du centre ancien de Bastia mené par la municipalité de Bastia, projet particulièrement dangereux vis-à-vis du patrimoine bâti du plus ancien quartier de Bastia, celui du Puntettu, entre la citadelle et le quai sud du vieux port."
Bernard Cesari ( membre du comité de quartier du Puntettu)
Je transmets ici ce message envoyé par Bernard Cesari, membre du comité de quartier du Puntettu, qui évoque un débat important sur le projet de restructuration de ce quartier historique de Bastia, accompagné des dossiers réalisés par le comité de Puntettu: un dossier épineu où l'argent, le social et le patrimoine ne font pas forcément bon ménage.
La ville est un organisme vivant qui évolue à travers ceux qui l'habitent. Dans le cas de la "restructuration" du quartier du Puntettu envisagée par la mairie ( pour raison d'insalubrité irrémédiable, du moins pour certains immeubles) ou de la "réhabilitation" souhaitée par le comité du quartier du Puntettu, quelle garantie réelle de relogement sera offerte aux habitants, en particulier aux plus démunis qui vivent dans la précarité ?
On ne peut séparer, dans cette réflexion, l'intérêt du patrimoine bâti, ici bien réel et historique, de l'intérêt des gens qui vivent ce patrimoine et l'humain doit rester au coeur de la problématique. Sans quoi, le patrimoine, aussi intéressant et beau fût-il, perd tous son sens.
- voir deux articles du Corse-matin:
www.corsematin.com/article/bastia/les-habitants-se-mobilisentpour..Le comité du quartier du Puntettu répond aux élus | Corse-Matin
Le dossier de présentation du Comité du Puntettu:
presentation puntettu comitequartier 02 2013 mini (2).docx
Une demande d'inscription au titre des Monuments Historiques de l'immeuble du 2 rue du Bastion, "Maison Montesoro", a été adressée à la DRAC: c'est un dossier urgent car la mairie a l'intention de faire aboutir son projet de restructuration d'ici la fin de l'année ...
Voici la notice rédigée par les membres du comité du quartier du Puntettu concernant la" maison Montesoro" qu'il conviendrait de réhabiliter:
NOTICE SUR LA SINGULARITE ACHITECTURALE ET HISTORIQUE DE L’IMMEUBLE
2 rue du Bastion, quartier du Puntettu à Bastia
Eléments historiques :
- La place sur laquelle donne cette bâtisse s’appelle la place de l’huile, piazza dell’olio. Il s’agit d’une très ancienne place de Bastia et l’une des seules du vieux Bastia qui ait survécu intacte jusqu’à nos jours, avec la place du marché aux poissons et la minuscule Piazza di l’Olmu. Sur un plan des archives de Gênes, de Mario SISCO, daté de 1602, (ASG Corsica n° 986) figure déjà la Piazza dell’Oglio, appelée aussi Chiappa dell’Oglio (marché à l’huile).
- Au vu des éléments historiques connus par ailleurs, et vue sa situation, on peut penser que cette maison a du être construite à la fin du XVIe siècle après les guerres de Sampiero CORSU, car le quartier Terravecchia avait été brûlée complètement et la reconstruction a vraisemblablement commencé vers 1575.
- Il est établi que dés le début du XVIIIe cette maison appartenait déjà à la famille MONTESORO et particulièrement à cette date à Pietro Montesoro, podestat de Bastia en 1715 et 1731. Dans le fonds SPAGNOLI (Archives Départementales de Haute Corse), un document issu du ceppo de Francesco Saverio BIADELLI, notaire à Bastia au milieu du XVIIe siècle (Ceppo Secondo) indique que cette maison appartenait à Pietro MONTESORO, et décrit ainsi le site: « luogo detto chiappa dell’oglio contiguo a la casa del fu Pietro Montesoro », conformément au plan de 1602.
La famille Montesoro est connue depuis la fondation de Bastia, (fonds des Premiers Chanceliers). Dès 1476, Antonio Montesoro fait commerce de Myrte (utilisé pour tanner les peaux, il y avait d’ailleurs une tannerie au Guadello, plus bas), et tient une boutique à Terranova. Cette famille a donné trois podestats à Bastia : Anton Francesco, 1703-1704, Gian Pietro, 1714-1715, puis de nouveau Gian Pietro, 1731-1732. Ce podestat était en première ligne lors du siège de Bastia par les « paesani », il fut en relation avec le duc de Wurtemberg, commandant en chef des troupes envoyées par l’empereur d’Autriche Charles VI. Il traita les Corses avec respect et fut l’hôte de la maison Caraffa.
- Enfin, suite à l’effondrement du plafond du Palais de Justice de Bastia le 21 avril 1932, le tribunal de Bastia a siégé dans cette bâtisse.
Eléments architecturaux :
D’après les éléments architecturaux, il semblerait que la maison ait été embellie vers la première moitié du 17è siècle, lorsque les MONTESORO prospéraient dans les affaires. La façade principale est celle d’une maison de notables, avec de grandes croisées sur quatre niveaux. L’élément le plus remarquable de l’extérieur est le portail en pierre sculptée qui s’apparente beaucoup à celui de la maison Castagnola, qui a déjà fait l’objet d’une protection au titre des monuments historiques en 1992.
Le vestibule et la cage d’escalier de cette demeure urbaine ont conservé leur décor originel de stuc, typique des années 1600-1630, qui est malheureusement demeuré le seul à l’heure actuelle. Tous les autres décors de stuc, de cette époque et de cette qualité, ont été détruits, notamment à cause des bombardements de 1943 qui ont ravagé le centre ancien de Bastia.
Dés le vestibule et dans toute la montée d’escalier on observe des voûtes soulignées de frises.
Au premier palier on peut voir en clé de voûte une tête de faune avec un anneau de fer servant sans-doute à accrocher une lanterne et aux étages supérieurs des têtes d’anges sculptées. A chaque palier, des bas-reliefs qui ornent les murs d’échiffre comportant des colonnettes-balustres de style « Renaissance italienne ». Ces décors très anciens, de grande qualité et dont il n’existe aucun équivalent en Corse, sont actuellement très empâtés par plusieurs dizaines de couches de badigeons de chaux, mais néanmoins en bon état de conservation. "
17:49 Publié dans Citoyenneté, corse, environnement en Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : quartier du puntettu, bastia | Facebook |