Dernièrement, après les festivités du lundi de Pâques à Piedicroce,
cette rencontre crépusculaire
avec Jean Grosjean
cachée, enfouie, oubliée,
la chapelle privée de la famille Raffali à Stazzona:
" La faille des nues qui brille à ras des forêts
rallume sous un vieux buisson la feuille morte.
Ah combien le fascinateur se dissémine
en des lueurs que devient la motte ou la touffe!
*
Le soir traîne sur des affleurements de roche,
les clartés pendent par gouttes à des ramilles,
les brumes blêmies vont errantes sur la terre.
Je suis trouvé par les plus intimes des gloires.
(...) " La nuit même ne s'en vient pas sans avec elle
la pâleur lunaire à travers la toile d'ombre
ou, plus proche encor mais à peine perceptible,
le passage de l'effraie blanche sous mon crâne.
Splendeurs éparses qui m'avez choisi pour temple,
vous m'occupez l'ême et le corps de fond en comble.
Le moindre écart serait maintenant sacrilège.
Ma joie de ne savoir que vous pleure et demeure.
*
Les jours s'en vont au fond des vergers qu'ils fleurissent
mais la lune brouillée de bruine sur les toits
est la seule amie de village à nous attendre
le long des hauts fumiers carrés qu'elle caresse
*
Lampe tenace au plafond des pluies ténébreuses,
tu es le dieu du bonheur et des arbres morts,
la clarté des morts dans leur tombe et dans notre âme.
*
Qui sait jusqu'où ni quel soir tu vas nous conduire?
Le ciel est si trouble et la terre si douteuse!
Toi qui parcours les brouillards que nous habitons,
qui sait si tu ne franchis pas les triples portes?
*
Chauleuse des coteaux épars, à toi nos vitres,
à toi le coffre au bout du plancher. Quand le vent
te poncerait comme une effigie, que d'oboles
dans les flaques pour soudoyer le factionnaire!
*
Les déploiements de drapeaux du ciel et des arbres,
le chant des oiseaux, et des brises dans la nue,
et tomber au creux d'un sommeil qui nous dénoue!
*
Le corps s'encombre comme un grenier de moulin
puis l'âme en farine est la proie des charançons
dans le noir boisseau d'un sepulcre à sa mesure
sous le naïf et lugubre printemps des autres.
L'amour plus semblable à l'automne qu'à nos oeuvres
renverse l'or des forêts, délave l'azur
pour combler de plaisir et d'hiver son amante
puis il passe sur les primevères des tombes.
*
Nos gestes cloués dans la terre s'y dissolvent,
nos songes mêmes sont évaporés dans l'air,
tout nous oublie, aimée, mais le dieu que nous fûmes
défera le monde à sa guise sans cesser."
*
Jean GROSJEAN, Hiver, nrf Poésie Gallimard
Merci à Jean-Christophe Desrues pour ses indications enthousiastes qui m'ont permis de voir cette chapelle funéraire octogonale de la famille Raffali, encore debout, magnifique dans sa présence nue et la perfection de son discours architectural , mais si proche de la ruine, avec ces arbres qui poussent leurs racines sous l'édifice et sur le toit, l'eau qui s'engouffre par les vitres cassées du lanternon, l'humidité détruisant la cohésion des murs et menaçant les restes du décor peint .
Patrimoine privé de notables mais mémoire communautaire ... J'ignore encore s'il s'agit bien de la famille de cette dynastie d' artistes stucateurs - les RAFFALI -qui ont façonné le regard et accompagné la religiosité des gens dans toutes ces églises admirables de cette région ... Le décor du lanternon n'est pas anodin.
Agir quand il est encore temps, à condition de reconnaître cette part commune de notre histoire.
HODIE MIHI CRAS TIBI !
(à suivre!)