17/03/2014
Ghjuvellina: l'occupation médiévale d'e Line
Pratu di Gjhuvellina :
la chapelle San Cervone et e Line
Ce jeudi 13 mars 2014,
(l'arrivée sur le site des ruines de San Cervone )
en la compagnie amicale de Paul Rolles, un enfant de Prato di Giovellina
la découverte du site admirable de e Line, et en attendant de pouvoir lire le mémoire universitaire de Jean-Michel Colombani (1999) :
" L'occupation de l'espace dans la Corse médiévale :
la Giovellina orientale".
Cette pieve de Giovellina fut longtemps sous l'influence de la grande famille des seigneurs Amondaschi:
" Les rares informations concernant la famille seigneuriale des Amondaschi nous viennent des mentions citées dans la chronique de Giovanni della Grossa écrivant au XV° siècle, ainsi que d'un précieux acte datable des environs de 1080, où apparaissent, comme témoins, Ansifredo Amundasco, ses fils et ses frères.
(...) Cet Ansifredo Amundasco avait-il sa résidence au castellu de Supietra (commune d'Omessa) ou bien au château primitif de Prato de Giovellina? Qu'y avait-il alors à Serravalle ? Y résidait-on déjà?"
(G. Moracchini-Mazel, Cahier Corsica 214, p.149/150 - 2004)
Toujours est-il que, sur le territoire de Prato de Giovellina, deux places fortes dominent stratégiquement le paysage :
le Castellu di Serravalle (au-dessus de Pedigrisgiu)
et la Torre di Monte Albano,
où "l'on peut supposer qu'il y eut là, au IX° siècle, une précédente résidence des seigneurs de Giovellina. Sur ses vestiges, on a dû bâtir la tour ruinée que l'on voit aujourd'hui." (idem)
à environ 3 km au S.-E. de Serravalle, dans une position à couper le souffle (ici Prato et les Aiguilles à travers une ouverture de la tour):
" Cette bâtisse carrée (...) placée au sommet d'une douce colline à caractère peu défensif, qui pourrait dater du XV° ou du XVI° siècle environ, a pu servir pour la transmission des signaux par feux dans la lutte contre les Barbaresques. En effet, depuis ce point, la vue à 360° est impressionnante (on y voit Rescamone, Supietra et d'autres Castelli d'Omessa, le San Petrone et les monts de Castagniccia et de Tenda, les sommets des aiguilles de Giovellina ...)" (idem, p. 152)
en passant non loin de la Torre de Monte Albano, nous descendons par une piste cahotique vers le plateau fertile des Line.
Un territoire longuement occupé depuis la période médiévale - et probablement romaine, si l'on en juge par les nombreuses briques et tuiles à crochets d'époque romaine trouvées sur le site de a Pieve (a Tribuna), non loin de là, en contre-bas des Line.
Espace travaillé, modelé, aujourd'hui abandonné. Les beaux chemins d'accès de naguère longés de murs où circulaient gens, bêtes et charrettes sont à présent impraticables, embroussaillés, pierres descellées: désormais royaume des sangliers, 4X4, chasseurs et randonneurs aventureux. La dense végétation des chênes verts, des lierres, des euphorbes, des ronces ... n'a pas encore effacé les traces insignes de la vie d'autrefois.
Quelques images :
la vieille chapelle San Cervone, dont il ne reste plus que le mur sud et cette façade occidentale, coincée entre deux ruines.
(San Cervone , évêque de Populonia, fut sans doute vénéré en Corse dès le lendemain de sa mort en 545)
détail de la façade occidentale
G. Moracchini-Mazel, en examinant ses maçonneries, ses dalles de revêtement, la taille de ses pierres, pensait (dans "Les églises romanes de Corse", 1967) qu'elle pouvait dater de la seconde moitié du IX° siècle. Une construction lui a été accolée contre le mur sud. L'abside a disparu.
le mur sud et ses belles pierres de revêtement roses et dorées.
Une grande maison ruinée occupe le flanc nord de la chapelle.
La porte occidentale de San Cervone,
et son linteau : comme à Tribuna, deux trous ont été creusés dans ce linteau et dans le seuil pour accueillir le mouvement des portes.
l'imposante maison qui borde le mur nord de San Cervone présente à ses angles de bien curieuses constructions, sortes de piliers arrondis.
Si les étages supérieur sont détruits, les pièces voûtées du rez-de-chaussée, elles, restent intactes, et magnifiquement appareillées .
Ici et là, des témoignages d'utilisation, comme ces niches,
ou cette mangeoire
Au fond d'une pièce voûtée, ce mystérieux pilier engagé.
façade et aménagements voûtés : manifestement, les étages supérieurs semblent postérieurs.
et , à nouveau à l'angle, ce démarrage de pilier arrondi.
l'escalier extérieur, et, à nouveau cette sorte de pilier circulaire à l'angle.
... et ce beau four, en parfait état,
qui ne demande qu'à reprendre du service ...
***
A quelques pas de là, les ruines d'une autre bâtisse encore plus impressionnante :
G. Moracchini-Mazel écrit en 1967 ( in "les églises romanes de Corse" ):
" Tout près de San Cervone également, on peut voir les ruines d'une vaste construction, sorte de maison forte où l'on distingue une grande salle avec un pilier circulaire au centre. Un des angles est fortifié d'une tourelle et une entrée est protégée de créneaux. En 1589, Mgr Mascardi rapporte que les évêques d'Omessa résidaient à San Cervone (la famille d'Omessa avait produit plusieurs évêques au XV° s.). Ce sont peut-être là les ruines de leur demeure."
le pilier central d'une grande salle
la tour et une sorte de mâchicoulis
le "mâchicoulis" (?)
portant en son centre une dalle percée d'un orifice ... pour quel usage ?
l'une des tours d'angle
et quelques meurtrières ...
(bref, la vie des seigneurs de l'époque n'était pas
"un long fleuve tranquille" ...)
mais aussi des bassins
successifs ...
les ruines, vues d'en-dessous,
dominant un vaste paysage peuplé de chemins, de vergers, de ruisseaux,
et de nombreuses maisons et palliers,
témoignant d'une intense activité naguère:
Paul Rolles, notre cicerone pour cet après-midi, se lamente : les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas intéressés par leur patrimoine ...
Je traduis cela: les gens d'aujourd'hui n'ont plus besoin, pour l'instant , de ce territoire pour leur survie ... Ce qui n'était pas le cas il y a encore seulement trois générations, où l'on pratiquait volontiers le troc avec les régions voisines, fruits contre farine de châtaigne ou huile d'olive ...
***
Nous sommes à quelques centaines de mètres du site de Pieve,
dite "a Tribuna" (voir la note précédente)
qui baigne, en cet fin d'après-midi de mars,
dans une douce lumière.
le temps de revoir ces murs dépouillés sauvagement de leurs belles dalles de revêtement, et menacés de ruine définitive ...
Merci à Paul Rolles pour sa gentillesse et sa disponibilité, et qui nous a amenées sur ces sites dans son 4X4 conduit de main de maître, et fait partager sa passion pour le patrimoine de son village - et ses interrogations !
et merci aussi à Nicole d'avoir partagé elle aussi cette belle rencontre!
***
Au fait, je ne l'ai pas encore signalé:
toute cette micro-région est parsemée de galets arrondis assez mystérieux,
du style de ce sympathique caillou poilu ...
19:37 Publié dans Prato di giovellina, San Cervone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : e line | Facebook |
Les commentaires sont fermés.