26/08/2013
Une terre pour quoi faire? un film de Laurent Billard
Je transmets bien volontiers cette annonce du film de notre ami Laurent Billard:Les films du tourbillon sont heureux de vous informer de la diffusion sur France 3 du documentaire"UNE TERRE POUR QUOI FAIRE?" de Laurent Billardle vendredi 30 août 2013 à 00H05
La terre de Balagne… si convoitée ! Pourra- t -elle rester ou redevenir agricole, grenier de la Corse ?
Là où violence et défaitisme alternent, des femmes et
des hommes tentent de s'organiser : ils ont créé des
associations foncières, une à Pigna et une à Lama.
Et c'est à ce travail que s'intéresse ce documentaire.
UNE TERRE
POUR QUOI FAIRE ?
De Laurent BILLARD
Une coproduction
Diffusion sur Via Stella et France 3 Nationale : avril 2013
et avec la participation
Images : NEDJMA BERDER
Montage : EMMANUEL BESNARD
Musique originale : CELIA PICCIOCCHI ET JACKY LEMEN
Avec par ordre d'apparition:
Jean Louis Guidoni, berger
Bernard Villanova, viticulteur
Pierre Acquaviva, viticulteur
Jean Sicurani, archéologue
Julie Gouin, agricultrice
Gilberte Casabianca, présidente de « AFA Orte di qui »
Josée Martelli, Maire de Pigna
Tony Ceccaldi, président de l'AFA de Lama
Jean françois Sammarcelli, « A muntagnera »
Jerôme Casalonga, « casa musicale »
Abigail Caudron, « Una lenza di annacqua »
Manette Taberlet, « Una lenza di annacqua »
Jean Louis Luciani, président de l'ODARC
Jacques Linale, maire de Pieve
Simon Baccelli, maire de lama
Paradoxe ! En Corse ou la culture s’est
construite sur les liens avec la terre, il est de
plus en plus difficile de s’installer comme
éleveur ou comme agriculteur.
Le tourisme et la spéculation foncière règnent
en maître, les parcelles sont limitées et les
surfaces ne sont pas extensibles.
Est-il possible d’inverser la tendance ?
Existe-t-il des alternatives viables ?
Comment maintenir le lien entre les Corses et leur terre autrement qu’à travers des souvenirs et des regrets ?
C’est ce que je vais tenter de raconter dans ce film, à travers les expériences de deux associations foncières en Balagne, une à Pigna et l’autre à Lama. C’est aussi le lien irrationnel qui lie une population à sa terre
que je vais explorer en posant la même question à tous : aimer, protéger sa terre oui, mais une terre pour quoi faire ?
DEBUT DU COMMENTAIRE :
L’attachement à la terre, je le découvre à 25 ans lorsque je pars m’installer
en 1980 dans les marais salants de Noirmoutier. Moi, l’urbain, le parigot,
sans attache précise, je découvre là ce lien qui vous unit à elle. Je
découvre aussi qu'une activité qu'on jugeait perdue peut être sauvée.
20 ans plus tard je m’installe sur une autre île, en corse, en Balagne,
l'ancien jardin de la Corse. J' y rencontre les mêmes interrogations et les
mêmes pressions liées à l'insularité et au tourisme :
L'attraction du grand nombre amène au déclassement de zones agricoles
pour la construction principalement de résidences secondaires d'où une vie
à double vitesse; il devient de plus en plus difficile de se loger à l'année et
de trouver des terres pour les cultiver.
Il faut savoir qu'ici en 40 ans, les ¾ des exploitations agricoles ont fermé,
les deux tiers des terres agricoles ont été abandonnés et la pression pour
les transformer en zone constructible est énorme. Un phénomène bien
connu direz-vous, mais ici avec des enjeux financiers de plus en plus
importants et une violence en lien direct.
Répercuté en boucle cette violence a occulté tout autre message en
provenance de la Corse. C'est pour ces raisons que j'ai souhaité montrer
des solutions d'avenir pour cette terre portées par des femmes et des
hommes dont on ne parle jamais.
TEMOIGNAGE
BALAGNE JARDIN DE LA CORSE
"Quand on regardait vers la gauche, dans la direction du village de
Cassano et en contrebas de Zilia, toute la vallée était blanche. Blanche
des fleurs des amandiers qui fleurissaient tous en même temps. Il y en
avait des milliers ! Droit devant, la vallée qui nous sépare de
Montemaggioro était plantée de nombreux cerisiers. Enfants, nous
allions ramasser quantité de cerises avec la maîtresse d’école. Dans
cette partie, il y avait aussi plein de vignes. Nous connaissions les
différents cépages et nous allions manger les raisins "à la maraude",
en choisissant les meilleurs, comme le muscat. Certains ne trouvaient
jamais de raisins sur leurs vignes et se demandaient où ils
disparaissaient ! Vers la droite, en remontant vers la chapelle St
Rainier, c’était les pêchers et les abricotiers qui dominaient. Plus haut,
sur les terrasses retenues par les murs de soutènement, nous
labourions à la charrue de bois pour planter le blé. Je suis l’un des
derniers à avoir cultivé les céréales tout là-haut, jusqu’à la limite où la
montagne devient rocher ! Quand on mangeait un bout de pain, il avait
fallu un an et demi pour le faire, depuis le semis du blé, sa pousse, sa
récolte, son battage sur les aires tout autour de Lunghignano, puis la
fabrication de la farine.
Ici il y avait des milliers d’oliviers. Des milliers… Ceux qui n’avaient pas
de terrain ramassaient les olives de bon matin le long des chemins et
ça leur suffisait pour faire leur d’huile pour l’année. Quand on montait
derrière Lunghignano, vers le col qui mène au village de Muro, on
voyait la plaine de Muro qui descend jusqu’à la mer. Il y avait
tellement d’oliviers que, quand le vent faisait ondoyer leurs feuilles
grises, ça faisait comme des vagues qui remontaient lentement et on
ne distinguait plus la limite entre la mer et cette marée d’oliviers…
A l’époque il devait y avoir en Corse, je ne sais pas, 600 000
moutons ? Dans notre vallée de Montegrosso, les troupeaux étaient
nombreux et denses. Ils transhumaient, les bergers remontant jusque
dans le Niolu pour l’été. En saison de traite, qu’il pleuve, qu’il neige ou
qu’il vente, nous allions porter le lait à dos-d’âne à Montemaggioro où
se trouvait la laiterie. On y faisait le roquefort. A Lunghignano, presque
tous les familles avaient une ou deux chèvres. Elles étaient libres
d’aller à leur guise. Le matin elles sortaient des maisons et montaient
lentement le long des chemins. Elles n’abîmaient pas les cultures parce
qu’elles préféraient manger les ronces et les branchages, elles
débroussaillaient. Le soir venu, elles redescendaient en petits groupes
et chacune rentrait "chez elle" où on la trayait pour la consommation
de lait dans les familles.
Partout dans Lunghignano il avait quantité d’anneaux métalliques
scellés dans les murs, qui servaient à attacher les mules et les mulets.
Il y en avait toujours une petite dizaine dans le village, attachés ça et
là dans les ruelles. Mon père était "maquignon" (vendeur de chevaux).
Je me souviens que nous allions à la grande foire aux bestiaux en
passant par les cols. Nous mettions deux jours à cheval à travers la
montagne pour atteindre notre but. Il y avait très peu de voitures dans
notre région. En contrepartie, le service des cars était efficace. Nous
pouvions faire l’aller-retour Lunghignano-Bastia dans la journée en car,
ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Rien ne se perdait. Tous les terrains étaient entretenus. Nous
ramassions les châtaignes et aussi les glands pour nourrir les cochons
l’hiver. Et au printemps les "herbes" le long des chemins pour cuisiner.
Il y avait des poulaillers dans les jardins. La nourriture abondait. Dans
toutes les maisons du village, les celliers, les greniers regorgeaient de
victuailles. Il avait une grande quantité d’animaux dans la vallée de
Montegrosso, bien plus que maintenant, et ils mangeaient à leur faim.
Jamais on ne voyait de vaches malingres, comme on en voit beaucoup
aujourd’hui le long des routes corses. Il avait tellement de monde au
village que le soir, quand les adultes et les vieux s’asseyaient sur les
murets près de la fontaine, c’était difficile de trouver une place. C’était
aussi difficile de trouver une place libre pour s’asseoir sur les murets et
les petits ponts qui enjambaient les ruisseaux. Après, on allait vers le
restaurant du village (maisonnette aujourd’hui louée par Ricardo et sa
famille). Nous dansions sur la terrasse tous les samedi soir, l’ambiance
était joyeuse !
La maison qui est actuellement le "bar" de Jean-Donna était le fumoir
où l’on faisait nos charcuteries. Lorsque le temps était mauvais, nous
nous réunissions là pour converser dans la fumée, c’était marrant.
La Balagne était vraiment "le jardin de la Corse". Le travail était dur
physiquement mais nous avions la belle vie. Dans nos poches
d’enfants, il y avait toujours des amandes, des noisettes, des jujubes,
des figues ou des raisins secs.
Par la suite il y a eu le feu. Parfois bouté par des bergers inconscients
qui l’utilisaient pour débroussailler à bon compte ou carrément par des
pyromanes. Beaucoup de fruitiers ont été détruits. Et puis les jeunes
générations sont parties. Il y avait de moins en moins de gens. Et
l’arrivée de la télévision, qui garde chacun chez soi. Les voitures ont
transformé les places de village en parkings. Mais là, aujourd’hui, je
compte au moins vingt-cinq enfants dans notre village ! Une quinzaine
y vivent toute l’année. Les tout premiers sont "revenus" à Lunghignano
il y seulement cinq ans… Cet été, on entend leurs petites voix crier,
pleurer et rire un peu partout dans les ruelles. Quel plaisir ça me fait !"
Orso, le 27 juillet 2011,
Lunghignano (Montegrosso), Haute-Corse.
L’ASSOCIATION FONCIERE
Une association foncière autorisée est un groupement de fonds, géré
par les propriétaires associés, pour assurer les interventions
nécessaires à leur entretien et à leur mise en valeur. L’association peut
louer des terrains constitués de parcelles regroupées pour constituer
des ensembles cohérents du point de vue de leur entretien et de leur
exploitation. Elle peut éventuellement réaliser elle-même des travaux,
et exploiter certaines ressources, ou en concéder le droit d’exploitation
à d’autres, moyennant rétribution. Elle équilibrera ses dépenses par les
recettes tirées de ses locations, mais elle pourra aussi compter sur des
aides publiques et aussi sur des prêts à taux bonifié.
Le bon usage de ces différentes possibilités de recettes permet à la
quasi-totalité des associations foncières autorisées de fonctionner sans
demander de contributions aux propriétaires, mais au contraire
d’entretenir leur patrimoine et, dès que possible, d’assurer et
redistribuer un revenu tiré de la mise en valeur de leur terre.
En plus, de la possibilité de remettre en valeur des terres abandonnées
que l’extrême dispersion des propriétés interdit de gérer, et de la
garantie de transparence liée au caractère public de l’établissement
créé. Enfin, en plus des avantages apportés aux propriétaires en
matière de gestion de leur bien, et de financements, l’association
foncière autorisée permet surtout de débloquer des situations
inextricables et de contribuer à une dynamique de développement local
et de protection et mise en valeur de l’environnement et du patrimoine
par les habitants du territoire eux-mêmes.
http://elizabethpardon.hautetfort.com/files/UNE%20TERRE%2...
17:08 Publié dans Balagne, solidarité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : films du tourbillon, laurent billard, balagne | Facebook |
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