16/07/2015
le pélerinage de San Parteu à Pioggiola
À la rencontre de San Parteu
Vendredi 24 Juillet 2015
" Avec ce saint évêque dont le culte est attesté à Mariana dès la fin de l'époque paléochrétienne commence l'évocation des martyrs qui eurent à souffrir de la persécution vandale à Carthage ou dans ses environs au cours du V° s. Leur culte en Corse est donc lié directement aux rapports étroits qu'il y eut entre l'île et la Proconsulaire (Tunisie actuelle) dans ces temps si malheureux ."
Geneviève Moracchini Mazel, Corsica Sacra p. 72
Calenzana, fresques miniatures (XIV°s.) sur le cénotaphe de Sta Restituta: la décapitation de Ste Restituta et de ses compagnons, Dominicus, Veranus, Parteus, Partinopeus et Paragorius ... :
"... C'est probablement le texte de la Passio [de Restituta] qui a inspiré les artistes désireux d'illustrer les diverses phases du martyre, interrogatoire, supplices de la Sainte et enfin décapitation des six personnages concernés, afin d'instruire et d'édifier les pèlerins qui venaient à Olmia honorer leurs reliques." (ibidem Corsica Sacra p. 70)
Cette "Passio" de Sta Restituta situe le martyr de la Sainte et de ses compagnons sous la persécution de Dioclétien à Carthage au début du IV° siècle, ou plus exactement, après leur fuite en Corse et leur hébergement secret à Ulmia, le 21 mai 304 à Calvi ...:
" (...) Les saints Parthée et Parthénopée ramassèrent leur tête et se rendirent en ce lieu prédestiné nommé Marana. Quelques chrétiens qui demeuraient à Ulmia vinrent enlever les corps des saints pour les ensevelir à Ulmia, dans un sarcophage neuf." (ibidem).
G. Moracchini-Mazel, quant à elle, repousse les faits à une date plus tardive, celle des persécutions vandales contre le clergé catholique au cours du V° s., après la prise de Carthage par le roi vandale Genséric en 439. Il faut rappeler que les Vandales, christianisés, avaient adopté les thèses hérétiques de l'arianisme, comme nombre de chrétiens de l'époque, et de ce fait s'opposèrent violemment au pouvoir de l'église catholique.
Cette persécution nous est contée par l'évêque Victor de Vita dans son œuvre : l'Histoire de la persécution vandale en Afrique
(dont vous pourrez trouver le texte bilingue sur ce site:: http://remacle.org/bloodwolf/historiens/victordevita/hist... )
Au cours de cette persécution, nombre des évêques catholiques de cette région d'Afrique du Nord ( la province de Protoconsulaire ) furent exilés, en Sardaigne et en Corse en particulier, où il semble qu'ils aient pu exercer leur apostolat ...
( gravure de 1863 commanditée par l'abbé Galetti)
... tout en coupant le bois des forêts pour le compte des Vandales, nous disent les chroniqueurs :
"(...) il est possible de concevoir que Parteo -resté en Corse entre 439 et 476 - n'a pas dû rester inactif et qu'il a pu exercer l'épiscopat à Mariana . On peut aussi conjecturer qu'il a voulu rentrer dans son pays après 476. Certes, il ignorait alors qu'il y aurait bientôt de nouveaux violents tourments à subir à Carthage et que de nombreux ecclésiastiques connaîtraient encore la mort ou l'exil dans le Sud africain ou au Nord de la Méditerranée après 480.
Parteo aurait eu au moins 70 ans cette année-là: ou bien il est revenu de lui-même en Corse, ou bien, s'il avait disparu - ce qui est le plus vraisemblable - on peut penser qu'après sa mort, les clercs aient pu rapporter sa dépouille ou ses restes à Mariana, dans le diocèse où il avait exercé si longtemps et où son souvenir était encore très présent" (ibidem, Corsica Sacra, p.73)
Toute proche de la Canonica de Mariana, l'église romane de San Parteu, construite en dehors de la ville romaine de Mariana par-dessus la basilichetta paléochrétienne du V°s. et dédiée à ce saint : une belle architecture des XI° et XII°s.
Plan des deux églises superposées, fouilles de G. Moracchini-Mazel en 1957 et 1958 :
on peut voir (en biais) la basilique cimetériale élevée après les invasions vandales du V°s. :
"(...) et c'est dans une nécropole antérieure, III° et IV° s. - un quartier de tombes de chrétiens ? - que l'on avait choisi de créer cette basilichetta en l'honneur de San Parteo."
( ibidem, voir l'étude très intéressante sur l'église san Parteo de Mariana dans la Corsica Sacra, p. 281 à 285)
Réemploi dans l'abside de colonnes semi-engagées d'époque romaine.
le beau linteau sculpté du XI°s.: deux lions affrontés autour d'un arbre, gardiens du Sacré.
Je vous renvoie pour une visite plus détaillée de San Parteo de Mariana à l'excellent site : http://corse-romane.eu/spip.php?article135
Le culte de San Parteu s'est donc diffusé en Corse dès l'époque paléochrétienne, et l'on peut penser que les reliques du Saint se sont retrouvées vénérées un peu partout dans l'île, donnant lieu à de petits sanctuaires aujourd'hui disparus. L'histoire agitée de la Corse et de ses multiples envahisseurs évoque un nouvel épisode cruel avec, au VIII°s. l'agression répétée des incursions mauresques qui achèvent d'ôter toute sécurité à ces lieux saints: on décide alors de retirer les reliques vénérées à Mariana , en particulier celles de San Parteu qui seront sans doute transportées à cette époque à Noli-Ligure, dans la petite cathédrale dédiée à San Paragorio, Parthenopeo et Parteo:
La cathédrale du XI° s. de Noli-Ligure
Et en Balagne ?
G. Moracchini-Mazel signale trois lieux de vénération de notre bon San Parteu: au col de San Parteo à la limite entre Zilia et Muro; à Pioggiola, à flanc de la montagne du San Parteo; à Rutali, le long de l'une des voies romaines descendant vers la côte orientale .
"Un deuxième groupe de sanctuaires dédiés à San Parteo mérite une mention particulière en raison du souvenir oral - encore présent au début du siècle en Balagne - du passage du Saint à travers les hauts cols des montagnes et bénissant les campagnes - obtenant par son intercession des récoltes superbes. Je pense que ce fait pourrait être rapporté à la solennelle translation de reliques du saint entre Calvi-Olmia et Mariana, puisque sur le grand chemin muletier qui traverse ces montagnes, plusieurs lieux-dits se nomment San Parteo et correspondent effectivement à des chapelles disparues.
On ne peut toutefois exclure que le Saint évêque ait fait le voyage lui-même, comme le rapporte la tradition orale insistante: quoique déjà bien âgé, il aurait pu se rendre de Calvi à Mariana, au cours de son second exil supposé.
(...)à Pioggiola, au flanc de la montagne dite San Parteo (1680 m d'altitude) on voit un tas de pierres (non taillées) sur un étroit collet aux lieux-dits significatifs: a jesola et valle a u monacu ; il y a une croix gravée sur un rocher. Comme le rapporte la légende, il n'est pas douteux que ce rocher soit lié au pèlerinage vers le petit sanctuaire dont parle Mgr Marliani en 1646 pour préciser qu'il est détruit.
( un peu de fraîcheur: le San Parteu sous la neige, photo de Pierre Bonna)
C'est là que les gens de Feliceto, de Nessa, Muro venaient rejoindre ceux de Pioggiola pour la procession en l'honneur du saint le lundi de Pâques (...). En fait, la chapelle devait être très proche du rocher autour duquel les pèlerins se regroupaient tous ensemble."
(Ibidem, Corsica Sacra, p. 74, 75)
Les anciennes confréries des différentes communautés du Ghjunsani : Santa Croce de Pioggiola, Sant'Antone Abbate d'Olmi Cappela, San Ghjacumu de Vallica et Santa Croce de Mausoleu ont fusionné le 12 mai 1995, la nouvelle confrérie se mettant sous la protection de San Parteu ...
Un saint, somme toute, très sympathique, qui resserre la trame rurale et veille au grain!
San Parteu 2014 ...
À vos chaussures de marche et bon pélerinage!
16:46 Publié dans patrimoine de corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : san parteu, pioggiola, corsica sacra | Facebook |