06/12/2010
le mot joie, avec Philippe Jaccottet
Ainsi écoute-t-on la voix de ces moines
qui vivaient sur le toit du monde
au fond de temples pareils à des forts
dressés sur le passage des vents inconnus
dont leurs conques ramassent la violence.
Leur gong tonne
ou c’est le glacier qui se fend.
Eux-mêmes chantent de la voix la plus puissante
et la plus basse jamais entendue,
on croirait des bœufs ruminant leurs psaumes, attelés à plusieurs pour labourer sans relâche
le champ coriace de l’éternité.
Erraient-ils, à tirer leur charrue à soc de glacier
de l’aube au soir ?
Leurs voix à la mesure des montagnes
les tenaient-elles en respect ?
On les écoute maintenant de loin,
nous les bègues à la voix brisée,
dispersée comme paille au moindre souffle.
(Philippe JACCOTTET: Pensées sous les nuages - le mot joie, dans Poésie Gallimard, p.130)
(le Monte Padre et son visiteur)
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