14/05/2018
les exilés de l'Enfer: "Lasciate ogni speranza voi ch'entrate" , où l'Enfer de Dante s'invite à San Tumasgiu di Pastureccia...
Les exilés de l'Enfer
à la chapelle San Tumasgiu di Pastureccia,
Castellu di Rustinu
Où l'Enfer de Dante s'invite à San Tumasgiu di Pastureccia
Une découverte majeure
à San Tumasgiu di Pastureccia:
sur le mur sud ,
la fresque de l'Enfer nous révèle un message jusqu'ici ignoré:
..."Per me si va nella città dolente"...
La chapelle San Tumasgiu di Pastureccia, à Castellu di Rustinu, bien connue des amateurs de fresques en Corse, montre la seule scène d'Enfer (ou de Purgatoire infernalisé ?) à notre connaissance sur l'île. Un Enfer peint sur le mur sud de la chapelle et qui jouxte la représentation de six saints protecteurs, Marie-Madeleine et François, Lucie et St Antoine Abbé, Catherine d'Alexandrie et Jean-Baptiste.
La chapelle ne va pas bien et attend désespérément depuis trop longtemps sa restauration. Le toit a été enfin refait et ne fuit plus, mais de nombreuses années ont laissé les fresques lessivées par le ruissellement des pluies parfois torrentielles: espérons qu'enfin prochainement se décidera et se réalisera enfin le sauvetage de cet ensemble exceptionnel ...
Un débat agite tous ceux qui fréquentent San Tumasgiu s'agit-il d'une représentation de l'Enfer ou du Purgatoire ? La question se pose car les âmes condamnées aux tourments ne semblent pas toujours bien affectées par leur peine.
Dans la partie basse de la scène, des chaudrons où mijotent les âmes bien au chaud et que touillent méchamment les diables de service: ces âmes ne semblent pas vraiment désespérées et attendent plutôt patiemment la fin de leur passage en cuisine .
Ne serait-ce pas plutôt une vision du Purgatoire ? Il est plausible que l'ensemble des fresques de San Tumasgiu ait été commandité par les franciscains, dont on voit le saint fondateur immédiatement à gauche et "au contact" de cette scène, seulement séparé par un décor de papier plié:
Le Poverello est en compagnie d'une grande sainte pécheresse, la belle Marie-Madeleine. Le message est clair: vous pouvez vivre dans le monde, succomber aux multiples tentations qui guettent l'humanité, si, à l'exemple de François et Marie-Madeleine, vous rencontrez et épousez le message divin, si vous l'acceptez au risque de tout perdre et si vous vous convertissez en passant par la porte étroite d'un repentir sincère et d'un changement radical de vie, vous serez sauvés et gagnerez la vie éternelle: message d'espérance!
St François montre ici de son index tendu que la rédemption passe par la Croix et la Passion du Christ, cette Passion qui se trouve justement représentée sur le mur nord qui fait face :
(le mur nord de la chapelle San Tumasgiu)
Or, à la suite de St François, les franciscains développèrent cette pastorale de la rédemption plus que celle de la terreur . C'est sans doute pour cela que l'on ne trouve guère d'images infernales dans nos fresques insulaires, puisque, on le sait, l'implantation très ancienne de l'Ordre des Frères Mineurs s'est développée en Corse au cours des siècles de façon spectaculaire au point d'imprimer durablement la mentalité religieuse de tout un peuple. Qu'en était-il en 1503, date évoquée par les anciens du village qui se souvenaient de l'avoir lue, avant son effacement.
Purgatoire ou Enfer?
Voyez ce beau spécimen de diable :
Je crains qu'il ne s'agisse ici tout de même plutôt de l'Enfer ...
Un enfer où chacun trouve la mesure de sa punition: ici un diable entreprenant s'occupe du péché de luxure.
et là, de la goinfrerie ...
L'enfer serait-il, entre autres, un au-delà effroyable de la satiété, du trop-plein,
bref, de la sur-consommation des plaisirs?
Vers le haut le grand Lucifer dévore ses victimes... par la bouche d'en haut et par celle d'en bas! Il n'aurait pas sa place au Purgatoire, dont le rôle "rassurant" est de purger les fautes par le feu et, les âmes ainsi allégées de leurs scories, de leur ouvrir le chemin du Paradis . Lucifer, en revanche, est bien le personnage central de l'Enfer, lui, l'ange lumineux et beau, déchu, transformé en monstrueuse créature toute puissante et jamais assouvie ...
Une iconographie tôt présente de l'autre côté de la mer:
Ainsi avec ce terrible Lucifer ventripotant et vorace de la fresque du Jugement dernier de Giotto di Bondone, à la chapelle Scrovegni de Padoue, en 1306 : Giotto (1267-1337), l'exact contemporain de Dante Alighieri (1265 - 1321) ...
A la droite du Christ, les Elus, à sa gauche, les Damnés ...
Pour nous, à gauche de la croix, bien ordonnés et tranquilles , les saints qu'il faut suivre, prier, écouter pour éviter d'aller à droite, en enfer. Un enfer dont les portes sont toujours grandes ouvertes avec un fort appel de fournaise aspirante ... et du monde, du monde, du monde en désordre : l'enfer, c'est le chaos.
Un siècle plus tard, même iconographie à Bologne, à la Basilique San Petronio, Cappella Bolognini, l'Enfer peint par Giovanni da Modena, en 1406 . Même monstrueux Lucifer avalant et ... expulsant les damnés: tiens, je vois un visage au niveau de son bas-ventre, la bouche-anus vomissant sa victime ... Ce visage nous rappelle que le ventre est, parait-il, notre deuxième cerveau.
Venons-en à la découverte récente qui éclaire d'un jour nouveau cet ensemble:
Notre ami Toussaint Quilici, le gardien des lieux, m'a envoyé tout récemment ce message et le récit de sa formidable découverte qu'avec sa permission je partage avec vous ici:
" Toussaint Quilici
Castellu di Rustinu le 29/01/2016
Déroulement d'une découverte fortuite
Inscriptions inconnues dans les fresques (scène du Purgatoire) de San Tumasgiu de Pastureccia
Essai d' interprétation
La chapelle de San Tumasgiu de Pastoreccia, située sur la commune de Castellu di Rustinu, est bien connue par la richesse et la finesse de son programme iconographique.
L'édifice de type roman, bien appareillé en moellons de schiste local, a gardé toute la sobriété etl'élégance de l'architecture romane avec une abside bien orientée à l'est. Une désastreuse restauration (à l’explosif dans les années 1930), a amputé d'un tiers la longueur de la nef côté ouest. Depuis lors, aucun programme de restauration, sérieux et efficace, n'a été envisagé pour freiner la lente et inexorable dégradation des fresques.
Le site est grandiose avec la proximité du château médiéval de Rustinu, la vue plongeante sur la Vallée du Golu et les majestueux sommets de Popolasca et du Patru.
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La dernière semaine du mois de janvier dernier, la collectivité territoriale de Corse a mandaté un bureau d'étude spécialisé dans la gestion des sites et monuments historiques, afin de procéder à une évaluation de l'état des fresques et réaliser des relevés précis.
Un échafaudage a été dressé devant les différents décors peints, permettant l'accés aux parties hautes.
Comme d'habitude, dès qu'une opération scientifique est programmée dans la pieve je prends contact avec les maitres d'oeuvres afin de participer (dans la mesure de mes compétences) au bon déroulement de l'étude en échangeant de la documentation et des points de vue.
Le contact étant ainsi établi on me propose de grimper en haut de l'échafaudage pour examiner des inscriptions graphiques très dégradées à peine lisibles sur la scène du purgatoire qui se trouvent en haut de la colonne qui surplombe les deux premiers chaudrons des péchés capitaux, qui coïncide avec l'entrée du purgatoire. L'usure des surfaces peintes ne nous permet pas une lecture lisible de ce
qui semble être un texte assez long serré dans la mince largeur de cette colonne (ne laissant la place qu'à six lettres par lignes) estimée à 20 centimètres.
Un mitraillage de photos s'ensuit avec beaucoup d'émotions et interrogations...
De retour à la maison avec le précieux butin, commence un long examen des clichés où s'entremêlent les premières avancées et les imparables régressions concernant la transcription du texte.
La fresque du purgatoire de Pastureccia a souffert du temps et il est difficile de lire avec précision l'ensemble de ce panneau. Le salpêtre a estompé et altéré plusieurs lettres du texte, ce qui rend la lisibilité et la compréhension difficile.
Cependant, un mot assez intelligible ETTERNO que je lis d'abord inferno me fait penser à l'enfer de Dante (la Divine Comédie). Consultant le chant III Porte et vestibule de l'enfer de Dante (ce qui correspond à l'emplacement du texte: juste à l'entrée du purgatoire de San Tumasgiu), tout devient clair: pour inferno on doit lire ETTERNO et les mots suivants se révèlent enfin comme suit :
Dante
La Divine Comédie
L’Enfer
Chant III
Porte et vestibule de l'Enfer
Au début de ce chant c'est la porte de l'enfer elle-même qui semble prendre la parole et dit (la dernière phrase étant la plus connue):
Per me si va nella città dolente,
per me si va ne l'etterno dolore,
per me si va tra la perduta gente.
Giustizia mosse il mio alto fattore
fecemi la divina podestate,
la somma sapïenza e 'l primo amore.
Dinanzi a me non fuor cose create
se non etterne, e io etterno duro.
Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate.
Traduction:
Par moi on va vers la cité dolente;
Par moi on va vers l'éternelle souffrance;
Par moi on va chez les âmes errantes.
La Justice inspira mon noble créateur.
Je suis l'oeuvre de la Puissance Divine,
de la Sagesse Suprême et de l'Amour.
Avant moi, rien ne fut créé
sinon d'éternel. Et moi, je dure éternellement.
Vous qui entrez, abandonnez toute espérance.
(l'analyse de la scène de l'Enfer: le texte apparait à gauche en haut de la colonne. Dessin de Toussaint Quilici)
Voici ce que je lis depuis le début du texte:
PER ME SI
VA NELA
CITTA DO
LENTE PER
ME SI
VA NEL
ETTERNO
DOLORE
PER ME
SI VA TRA
LA PERDUTA
GENTE
Je continue à travailler sur ce panneau, il ne s'agit là que d'un début. Mais de toute évidence notre texte, avec un début bien lisible jusqu'à PERDUTA GENTE est identique à celui de Dante: la porte de l'enfer, et placé précisément devant l'entrée du purgatoire de San Tumasgiu.
Le début du texte se trouve très haut sur le mur gouttereau sud, au niveau de la tête de St François d'Assise (qui se trouve sur la gauche), le rendant invisible depuis le sol.
Après PERDUTA GENTE, les quelques lettres encore assez bien lisibles confirment la continuité et identité du poème. L'espace qu'elles occupent correspond à la longueur qui est nécessaire pour y placer les autres mots jusqu'à CH' ENTRATE (fin du poème du chant III).
Ce n'est qu'un début d'étude, je communiquerai les compléments dès que possible.
Ci -joint d'autres photos du purgatoire, réalisées depuis l'échafaudage, qui vues de près sont assez,inédites.
Un damné dévoré par Lucifer
(toutes ces dernières photos ont été prises par Toussaint Quilici, monté sur un échafaudage. D'en bas, ces détails et inscriptions ne sont absolument pas visibles ...)
Merci, Toussaint, pour ce travail et cette belle intuition qui permettent d'inscrire désormais la chapelle San Tumasgiu di Pastureccia dans l'univers de Dante Alighieri, l'immense poète de la Renaissance
"Noi siam venuti al loco ov 'io t' ho detto, Nous sommes arrivés au lieu où je t'ai dit
che tu vedrai le genti dolorose, que tu verrais la race douloureuse
ch'hanno perduto il ben dell' intelleto." de ceux qui ont perdu le bien de l'intelligence."
A la suite de la découverte de notre ami Toussaint Quilici, je suis retournée en bonne compagnie refaire quelques photos de l'Enfer à San Tumasgiu. Ici un visage plongé dans un profond désespoir.
L'Enfer, c'est, somme toute, la destruction par un monde amoral - dont nous faisons sans doute partie - de toute espérance. Une énergie vitale pour chaque homme. Au contraire, le désespoir déshumanise celui qu'il atteint, le met hors circuit, l'expulse hors des frontières du supportable, le propulse sur les routes de tous les dangers jusqu'à rencontrer la porte de l'Enfer, mais transforme aussi les spectateurs tièdes, indécis, indifférents, ou lâches de ce désespoir, en démons cruels, cornus, fourchus, poilus, grimaçants, voraces ... Je propose ici une lecture un peu détournée, en écho à l'actualité : la frontière du bien et du mal reste poreuse! Les images de nos églises, comme les rêves, agitent notre inconscient et nous devrions toujours reconnaître une parcelle de nous dans chacun des protagonistes, fût-il harmonieux et paisible ou grinçant et puant.
Toujours est-il que la chapelle de San Tumasgiu di Pastureccia est, comme nous l'avons dit et du moins à notre connaissance, la seule en Corse à nous proposer une vision de l'Enfer . Voici à nouveau quelques images de ce programme infernal ( visite ce jeudi 18 février). La fresque, bien que très dégradée, reste lisible encore. A gauche de l'Enfer, comme une forteresse protectrice, six saints : en bas, Marie-Madeleine, Lucie, Catherine d'Alexandrie; en haut, François, Antoine Abbé, Jean-Baptiste. Jouxtant l'Enfer, au contact, deux saints particulièrement humains car ils ont vécu dans le monde avant de se laisser embraser par l'amour divin: la belle pécheresse Marie-Madeleine, et le Poverello François d'Assise, deux modèles proches de nous et réconfortants qui filtrent la frontière ... pour tenter de retenir du bon côté les malheureux candidats à l'exil, de les convaincre de rester dans ce monde où l'espérance a sa place.
Ces six saints sont représentés dans toute leur dignité et leur noblesse, chacun tenant paisiblement sa place dans une sorte de niche bien définie par des piliers. De l'autre côté, c'est une autre histoire! Avant même le franchissement de la porte de l'Enfer, les démons viennent harponner les âmes, et, passée la porte, c'est un bouillonnement de flammes, une sarabande infernale, grouillante, gesticulante de bourreaux et de suppliciés: le chaos de l'Enfer, quoi! En haut de la porte, un grand diable bleu arrache le corps d'un damné que lui fait passer son collègue extra-muros : c'est ici que se lit cette inscription récemment découverte par notre ami Toussaint Quilici,
un texte difficilement lisible sur cette fresque et qu'il a l'intuition magnifique de relier à la Divine Comédie de Dante Alighieri, et précisément au Chant III de l'Enfer:
" Bien que Dante et Virgile aient franchi la porte de l'enfer, ils ne sont pas encore chez les damnés proprement dits. Ils n'y seront qu'après avoir passé l'Achéron et même après avoir quitté le premier cercle, qui est le Limbe. Cette sorte de vestibule où ils pénètrent d'abord est occupé par les lâches et par une catégorie d'anges mal connus des théologiens: les anges neutres, que l'on a rencontrés dans la légende du Voyage de saint Brandan. Mais comme il n'est pas prouvé que Dante ait connu ce récit, on ne sait trop où il a puisé cette conception: l'aurait-il imaginée en attribuant à des anges la faute qu'il fustige chez les hommes avec tant de mépris ? La question reste sans réponse.
(...) Le supplice des lâches est en étroit rapport avec leur attitude pendant leur vie: ils n'ont pas voulu faire l'effort nécessaire pour prendre parti entre le bien et le mal (...) Le mépris ne les accable pas seulement du ciel et de la terre; de l'enfer même, il monte vers ces misérables "
(Annotation au début du Chant III de l'Enfer sur le "Vestibule des Lâches" d'Alexandre Masseron, dans sa belle édition bilingue de la Divine Comédie, et qui en a établi le texte, l'a traduit, présenté et annoté pour le Club français du Livre, en 1963). En voici à nouveau le texte:
" PER ME SI VA NELLA CITTA DOLENTE, Par moi l'on va dans la cité dolente,
PER ME SI VA NELL'ETERNO DOLORE, Par moi, l'on va dans l'éternelle douleur,
PER ME SI VA TRA LA PERDUTA GENTE. Par moi l'on va parmi la gent perdue.
GIUSTIZIA MOSSE IL MIO ALTO FATTORE; La Justice inspira mon sublime artisan;
FECEMI LA DIVINA POTESTATE, La divine Puissance m'a faite,
LA SOMMA SAPIENZA E IL PRIMO AMORE. Et la Sagesse suprême et le premier Amour.
DINANZI A ME NON FUR COSE CREATE Avant moi il ne fut rien créé
SE NON ETERNE, ED IO ETERNO DURO sinon d'éternel, et moi je dure éternellement.
LASCIATE OGNI SPERANZA VOI CH'ENTRATE! Vous qui entrez, laissez toute espérance !
Queste parole di colore oscuro Ces paroles de couleur sombre,
vid'io scritte al sommo d'una porta: je les vis écrites au haut d'une porte:
perch'io: "Maestro, il senso lor m'è duro." aussi je dis: Maître, leur sens m'est dur."
Ed egli a me, come persona accorta: Il me répondit, en homme informé de mes pensées:
"Qui si convien lasciare ogni sospetto; " Ici il faut bannir toute crainte;
ogni viltà convien che sia morta. il faut qu'ici soit morte toute lâcheté.
Noi siam venuti al loco ov 'io t' ho detto, Nous sommes arrivés au lieu où je t'ai dit
che tu vedrai le genti dolorose, que tu verrais la race douloureuse
ch'hanno perduto il ben dell' intelleto." de ceux qui ont perdu le bien de l'intelligence."
Je me suis souvent posé de nombreuses questions autour de ce mur: dans la chronologie de ces deux fresques, par exemple, laquelle fut réalisée la première? Et puis dans la réalisation: pourquoi, dans le bas de l'Enfer, toute une partie semble seulement ébauchée ?
Ici, l'on voit le premier jet dessiné de l'artiste, avec un diable tout juste esquissé sur "l'intonaco" (l'enduit terminal) Qu'est-il arrivé ? Serait-il possible que les explosifs (que l'on aurait, parait-il , utilisé, sous la conduite de l'Inspecteur des Monuments historiques de l'époque dans les années 1930 pour éliminer un quart de la chapelle côté ouest , mais oui!) aient dégradé la fresque au point qu'elle a perdu par endroits ses couleurs? Peu vraisemblable. L'hypothèse de l'inachèvement parait la bonne, mais alors, pourquoi ? à quelle date ?
Ici, la base de la scène de l'Enfer, avec ses chaudrons montés sur pieds et portant le nom des sept péchés capitaux bien remplis d'âmes pas si tourmentées que ça:
Superbia (l'orgueil),
Avaritia (l'avarice), Lusuria (la luxure), Ira (la colère) ... il nous manque, probablement disparus avec la destruction du mur, Gula (la gourmandise), Acedia (la paresse) et Invidia (l'envie)... Que chacun se reconnaisse!
A y regarder de plus près, nous avons peut-être une réponse à notre question chronologique (merci à Sandra d'avoir attiré notre attention sur cet élément):
L'enduit du chaudron "Superbia", à l'extrême gauche de l'Enfer se prolonge par-dessus le motif de papier plié qui sépare l'Enfer des six Saints ... Ce qui semble signifier que la scène de l'Enfer est postérieure à l'image des saints! Et ce qui pourrait également expliquer en partie que la réalisation cette scène infernale ait pu, on ne sait pour quelle raison, être brutalement interrompue. Que s'est-il passé, dans ce début du XVI° siècle, pour que le fresquiste interrompe, par la force des choses, son oeuvre ?
A la base de la porte, regardez bien, on croit apercevoir comme des statues sculptées,
et un grand diable rouge armé d'un hachoir s'apprête à trancher la tête qui sort à peine du mur.
Dans cet enchevêtrement de bourreaux et de victimes, ce diable -ci est bien simiesque, avec ses pouces opposables des pieds
La luxure a entraîné en enfer ces deux damné(e)s retourné(e)s à l'état bestial de quadrupède:
... et tandis que ce diable chevauche ce(tte )damné(e), un autre lui enfonce un poignard dans le derrière ...
Ici, un autre démon aux traits barbaresques agrippe un damné,
et là un méchant diable rouge à la queue dressée s'apprête à éviscérer cette pauvre femme à sa merci...
Gula! Gula! Gula! Gavage éternel ...
Dans le haut de la fresque ...
les inscriptions: à gauche, dans la porte, le texte "lisible", à droite sous le bras du personnage étranglé par un démon, un autre texte difficilement reconnaissable ...
toujours dans le haut de la fresque, une tête de monstre armée de dents pointues comme un requin dévore un damné, dont il ne reste plus que les fesses et les jambes
tandis que ce grand démon s'attaque à cette autre âme perdue ...
Au centre de la fresque, le monstrueux et vorace Lucifer et sa brassée de damnés, avalant et expulsant inlassablement ses victimes, une parodie de l'Alpha et de l'Omega ...
tandis que flotte dans les flammes cette grande tête mélancolique
"si j'aurais su, j'aurais pas v'nu ! "
(Tigibus, dans la Guerre des boutons de Louis Pergaud):
"Le riche répliqua: "Eh bien! père, je te prie d'envoyer Lazare dans la maison de mon père. En effet, j'ai cinq frères: qu'il leur porte son témoignage, de peur qu'eux aussi ne viennent dans ce monde de torture!"
Abraham lui dit: "Ils ont Moïse et les Prophètes: qu'ils les écoutent!
-Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu'un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront."
Abraham répondit: "S'ils n'écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu'un pourra bien ressusciter d'entre les morts: ils ne seront pas convaincus." "
Evangile selon St Luc (16, 19-31)
En attente de sauvetage!
Commentaires
Quel boulot !C'est formidable. Tu nous apprends à bien déchiffrer cet enfer ! Quel machiavélisme si j'ose dire !!!!! Quelle imagination !
A la prochaine visite du lieu, je serai à même de mieux regarder et apprécier.
Écrit par : MTK | 23/02/2016
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