27/12/2013
Autour de la Nativité: l'âne et le boeuf, suite ...
Encore l'âne et le boeuf ...
"Dis-moi comment tu penses l'animal et je te dirai qui tu es"
(Eric Baratay)
la crêche, l'âne et le boeuf déjà présents sur un sarcophage d'Arles (premier tiers du IV° siècle)
"Tu t'es fait connaître entre deux animaux" ( le prophète Habacuc, 1,1-3)
réchauffant l'Enfant ...
" Le boeuf connait son possesseur, et l'âne la crêche de son maître"
( Isaïe ,1, 2-3)
La Nativité, dans l'Hortus Deliciarum manuscrit (entre 1169 et 1175) rédigé et illustré par l'abbesse alsacienne, poète et encyclopédiste Herrade de Lansberg.
Giotto, Nativité du Christ, fresque de la chapelle Scrovegni à Padoue,
c. 1304-1306
l'âne et le boeuf, l'homme et Dieu:
" (...) Or, dans la religion chrétienne, il existe un épisode particulièrement riche de significations: la Nativité, moment unique où se rencontrent Dieu, l'Homme et l'Animal" - Eric Baratay
Saint François d'Assise popularise l'image de la crêche dans le village de Greccio en 1223, et le pape Onofrio IV en passe commande en 1283 ... Une dévotion populaire qui touche le plus grand nombre et qui prend naissance, comme beaucoup de thèmes iconographiques chrétiens, dans un évangile apocryphe, ici "l'Evangile de l'Enfance", Evangile apocryphe du pseudo-Mathieu (VII° s.).
"Or, deux jours après la naissance du Seigneur, Marie quitta la grotte, entra dans une étable et déposa l'enfant dans une crèche, et le boeuf et l'âne, fléchissant les genoux, adorèrent celui-ci. Alors furent accomplies les paroles du prophète Isaïe disant: "Le boeuf a connu son propriétaire, et l'âne, la crèche de son maître" (Is 1.3), et ces animaux, tout en l'entourant, l'adoraient sans cesse. Alors furent accomplies les paroles du prophète Habaquq disant: "Tu te manifesteras au milieu de deux animaux." (Hab 3.2) Et Joseph et Marie, avec l'enfant demeurèrent au même endroit pendant trois jours." (Pseudo Mathieu, chapitre XIV).
L'âne aux douces oreilles et le boeuf aux longues cornes, deux animaux humbles mais symboliques, accompagnent donc la naissance de Jésus.
L'âne tient une part particulièrement importante dans cette histoire ...
Dans le Bestiaire du Christ de Louis Charbonneau-Lassay (1934 chez Desclée de Brouwer, réédité chez Albin Michel en 2006), un chapitre est consacré à "l'âne dans les liturgies de l'Europe médiévale", dans lequel on pourra lire la fameuse allégorie christique "Prose de l'âne", écrite par l'archevêque de Sens, Pierre de Corbeil (mort en 1222), que l'on chantait lors de cérémonies joyeuses et populaires:
"Orientibus partibus L'âne est venu à nous
Adventavit asinus des contrées de l'Orient
Pulcher et fortissimus, Il est beau, très fort,
Sarcinus aptissimus, très apte à porter les fardeaux
Hez, Sir asne, hez! Allez, Sire âne, allez!
Hic, in collibus Sichem Cet âne, sur les collines de Sichen,
Enutritus sub Ruben élevé sous Ruben
Transiit per Jordanem, passa par le Jourdain
Saliit in Bethleem, et bondit jusqu'en Béthléem
Hez, Sir asne, hez! Allez, Sire âne, allez!
(etc ...)
en Balagne
ce sympathique âne gris "de Béthléem" qui porte la croix sur son dos et reste présent auprès du Christ, lors de la fuite en Egypte:
Autun, chapiteau de la Fuite en Egypte, pour la cathédrale Saint Lazare,
Saulieu, stalle de la basilique Saint Andoche,
Valle d'Orezza (Castagniccia) autel de stuc
Padoue, Giotto à la chapelle Scrovegni,
et qui sera encore là, à la fin de l'histoire du Christ, lors de son entrée glorieuse à Jérusalem:
Giotto, chapelle Scrovegni à Padoue ...
Quant au boeuf, paisible animal du labour et du sacrifice, il enseigne la patience et la droiture et se montre fort solidaire de son compagnon au long des siècles ...
Botticelli, National Gallery, Londres: Nativité Mystique.
Jusqu'au Concile de Trente (1545-1563) qui signe le désaveu de cette iconographie: l'on évacue alors les animaux de la crêche, l'âne et le boeuf n'étant pas compatibles avec l'adoration du mystère de la naissance de Jésus, seule réservée aux hommes . Dès lors ils disparaissent des représentations de la Nativité pour quelque temps.
Campana, l'adoration des bergers, attribuée à Zurbaran: l'agneau mystique a remplacé l'âne et le boeuf.
Ils reviendront en force sur la scène de la Nativité, rappelés par la tendresse populaire dès le XVIII°s. :
Aregno (Balagne), le 3° mystère du Rosaire, anonyme début XVII°s: l'iconographie populaire présente dans l'illustration des Mystères du Rosaire en Corse conserve pieusement l'âne et le boeuf, pourtant vigoureusement expulsés de la représentation de la Nativité lors du Concile de Trente ...
Carcheto, même sujet
la crêche de Corbara (Balagne)
Corbara, entre le boeuf et l'âne gris ...
http://www.youtube.com/watch?v=qvb_T2clacg&feature=share
Pour en savoir plus, je vous invite à lire cette étude remarquable d'Eric BARATAY, professeur d'histoire contemporaine et spécialiste de l'histoire de l'animal à l'Université Jean-Moulin de Lyon:
http://elizabethpardon.hautetfort.com/files/CH89%20%281%29.pdf
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18:03 Publié dans carnaval, Noël | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : l'âne et le boeuf, crêche, symbolique animale, eric baratay, bestiaire du christ | Facebook |
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