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07/07/2008

Olmi Cappella: la vie d'un petit orgue de montagne au milieu des siens

          La vie d’un petit orgue de montagne au milieu des siens…

orgue olmi cappella ensemble bl.jpg

Aujourd’hui installé à Olmi Cappella dans le silence d’une église qui subit l’exode rural et l’inévitable évolution du monde moderne, le petit orgue a vécu dans sa jeunesse une existence certainement plus mouvementée : l’absence de pupitre porte-partitions nous indique clairement que nos anciens organistes n’avaient pas besoin de notes pour musiquer, qu’ils avaient un rapport instinctif avec leur instrument, le même qu’avaient les violoneux lorsqu’ils empoignaient  leur violon pour faire danser les villageois lors des fêtes ou des veillées, accompagner les sérénades ou rythmer la mauresque … L’orgue avait été construit pour magnifier les fêtes religieuses : l’église d’alors était vécue comme le lieu festif et unificateur de la communauté  qui se reconnaissait dans les manifestations de sa confrérie, de ses chants, de son orgue… comme dans le choix de ses maîtres-maçons et de ses peintres. A la polyphonie des chants répondait celle de l’orgue, l’organiste ayant appris à jouer l’instrument pour le service de la liturgie, l’accompagnement des cantiques, et chacun selon ses talents et son tempérament se donnait à sa charge. S’il le fallait, il attaquait une vigoureuse ouverture d’opéra en entrée de messe ou improvisait « assai pietoso » pour l’offertoire quelque valse à la mode . Le grand Bach n’a pas agi autrement en réutilisant ses compositions profanes dans ses cantates religieuses. Je me souviens d’une grande messe patronale en Espagne, à Viana, sur le chemin de St Jacques en 1989, dans une église bondée de fidèles, où l’organiste emmena la foule fervente vers la table de communion au son d’un tango… Et aussi, en Corse, à Monticello, cet organiste des années trente, qui, après avoir joué une valse à l’offertoire, avait tenté la java à la communion : là, le prêtre s’était rebellé, arguant que la java faisait trop lever la jambe aux jeunes filles…

Nous sommes là bien loin de Frescobaldi et l’écriture polyphonique de l’époque serait sans doute paru une bizarrerie d’extraterrestre  aux organistes du XIXème siècle. Et pourtant ! Le petit orgue d’Olmi Cappella, avec sa fraîcheur et sa vaillance retrouvées grâce à J.F.Muno, chante avec justesse cette musique intérieure qui ne demande pas des effets spectaculaires. Non seulement lors de concerts, mais aussi lors des messes : il apporte alors cette poésie intemporelle et méditative où il n’est pas besoin de connaître la grammaire pour ressentir l’émotion…

La pratique de l’alternance du chant et de l’orgue dans la messe de Frescobaldi, commune à tous les musiciens de cette époque prend sa source dans le chant responsorial des premiers chrétiens : le dialogue d’un soliste avec le chœur, représentant la communauté des fidèles. Elle est proche également de l’usage traditionnel du chant religieux de nos villages, où alternent la chjama (« l’appel » d’une seule voix) et le chant en paghjella  (« réponse » polyphonique à trois voix), comme on peut l’entendre à Olmi Cappella. La fonction est la même : ainsi recréé et sacralisé dans ce dialogue qui pourrait évoquer le dogme de la Trinité , l’espace sonore de l’église resserre la communauté, un pour tous, tous pour un . Le rôle du chant et de l’orgue dépasse alors largement le pur plaisir musical ou la réplétion ethno-touristico-musicologique.

C’est à Olmi-Cappella et sur la tribune de l’orgue que j’ai commencé à comprendre de l’intérieur la réalité et l’enjeu du chant religieux d ‘un village mais aussi la relation des villageois avec leur orgue. Le dernier chantre d’Olmi Cappella,  Ceccu Saladini transmettait alors de sa voix  nerveuse et ténue cet héritage direct, suspendu à la frontière de deux mondes.

Ceccu Saladinic01.jpgPassage, lumière et paix  d’un crépuscule éphémère où tout devient possible avant l’assaut de la nuit.  L’intensité de son chant n’avait rien à voir avec les décibels médiatisés : elle était nourrie de cette vie âpre mais idéalement structurée de naguère où rien n’était donné sans peine mais où tout était objet de partage. Je peux témoigner qu’il était aussi très fier de ce petit orgue, conscient de la volonté des anciens qui avaient souhaité  sa présence dans l’église. Il était heureux de l’entendre à nouveau parler, dialoguer avec la polyphonie des chantres et accompagner les cantiques que chantait si bien sa femme : cloches, chants, orgue …  lui redonnaient  sa jeunesse . Je sais qu’il se réjouit là où il est de savoir que les chants et l’orgue revivent. Merci à Marie-Hélène Guespieler qui a voulu et rendu possible par sa ténacité et son talent la réalisation de ce témoignage. 

 Elizabeth .

(texte écrit pour le livret du disque enregistré sur l'orgue d'Olmi Cappella par Marie-Hélène Geispieler:

"Canti Religiosi e Organi di Corsica" : Olmi Cappella - Muro

avec les chantres d'Olmi Cappella et Marie Hélène GEISPIELER, orgue

                                                      Disques CORIOLAN

Commentaires

esqu-vous joué deçu??

Écrit par : orgniste de lavatoghju(2b/balagna) | 13/01/2009

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