07/12/2007
Costa (suite): l'orgue historique
Anciennement rattachée à Ochjatana puis à Ville-di-Paraso, cette communauté a gagné son statut de commune (la plus petite de Balagne) à la Révolution française. Bordée de maisons hautes incisées de meurtrières, la place du village, repavée à l’ancienne, est d’un enchantement silencieux, la municipalité a fait enterrer les câbles disgracieux et la vie semble s’écouler ici dans le paisible friselis de la fontaine. L’élégance simple de la façade de l’église avec ses deux portes d’entrée - l’une pour l’église paroissiale, l’autre pour la confrérie - et l’harmonieux campanile baroque annoncent fièrement l’existence de cette communauté : encore faut-il savoir qu’elle est là, car l’on en devine peu de choses depuis la route passant au-dessus…
La « vicecura » de Costa , au milieu du 18ème siècle, gérait un peu plus de deux cents âmes et ne comptait pas moins d’une dizaine de prêtres ! La présence toute proche du couvent San Francescu - depuis 1494 Observantins, puis Recollets, enfin Capucins irriguaient la région de leur vie religieuse - aux côtés de l’ancienne pieve de Tuani nous dit assez l’importance du lieu. L’on comprend mieux l’opiniâtreté de cette petite communauté lorsque l’on pénètre à l’intérieur de l’église San Salvatore, l’une des plus petites et des plus aimables de Balagne : achevée en 1762, accolée à sa confrérie gémellaire, les gens du village n’ont cessé de la rendre la plus belle possible, réglant ainsi ses différents avec la « grande » communauté voisine… Tout, dans ses décors, proclame l’allégresse de sa victoire : stucs baroques génois du 18ème siècle, décors historiés de la voûte peinte par F. Giavarini au début du 19ème siècle environnent d’une même euphorie pastel la petite merveille nichée au-dessus du porche : l’orgue…
La chaude harmonie de sa tribune galbée, peinte sur fond turquoise de faux granits ocres et rouges, rehaussée de pilastres et de moulures dorées à la feuille (un luxe invraisemblable dans un édifice aussi modeste), se poursuit avec le buffet précieux et ses volets de bois peints selon la même technique mouchetée. La taille du petit orgue, le raffinement de son buffet évoquent le 18ème siècle. Les moulures chantournées de la corniche dorée portent en triomphe, sans doute depuis le début 19ème, le monogramme rayonnant du San Salvatore : « IHS », encadré des deux anges sonnant de la trompette en plein vol sous la voûte. Pierre Sibieude, lors de la restauration, a dû se livrer à une véritable prouesse de « lifting » pour sauver des vrillettes ces pauvres angelots !
Le maître décorateur de cet ensemble fut convaincu de l’excellence de sa création, car il signe son travail au-dessus du clavier...
Ce n’est malheureusement pas le cas de l’orgue lui-même dont on ne connaît pas l’auteur. Cependant certains éléments évoquent le travail des Crudeli (présents à Speloncato autour de 1810) et celui, pour la tribune, d'Anton Giuseppe Saladini, le célèbre maître ébéniste de Speloncato... Nous en sommes, pour lors, réduits aux hypothèses, en atten dant de remettre la main sur les archives paroissiales, mystérieusement disparues.
On ne peut donc que s’interroger sur son origine : c’est une taille coutumière pour un petit orgue de couvent – on sait du reste que le couvent de Tuani avait commandé au facteur lombard Giuseppe Lazari et reçu en 1759 un « organetto » qui a disparu depuis , sans doute lors de la tourmente révolutionnaire : l’église de Costa a-t-elle hérité d’une partie de ce modeste instrument conventuel? … L’on ne sait rien d’autre donc, sinon la facture raffinée d’une partie des tuyaux, l’élégance du clavier et des boutons de registres : tout indique en tous cas un facteur d’orgue maîtrisant son art et qui réalise ici ce petit joyau de facture italienne. Son mystère a longtemps nourri la curiosité vorace des rats et autres chauve-souris avant que la volonté de la communauté du village, avec l’aide de l’Etat, ne reconvertisse l’antre silencieux des rongeurs en paradis mélodieux des anges buccinateurs…
Restauration : Alain FAYE pour la partie instrumentale.
Alain SALS pour la résurrection des tuyaux
Pierre SIBIEUDE pour la restauration et reconstitution du décor peint.
Avec l'accompagnement de Michel FOUSSARD, Technicien Conseil pour les Monuments Historiques.
Un clavier de 45 notes octave courte.
Un pédalier en tirasse de 8 notes.
- Principale : 12 basses bois, dont 8 bouchées, 33 tuyaux de métal, dont 23 en façade.
- Ottava : basse commune avec la Flauto in ottava, seul le dessus, 25 notes, est réel.
- Decima quinta : 45 notes.
- Decima nona : 45 notes.
- Vigesima seconda : 45 notes.
- Vigesima nona : 45 notes.
- Voce umana : 25 notes.
- Flauto in ottava : 8 basses bois ouvertes, 37 tuyaux en métal.
- Tamburo : 2 tuyaux
- Rossignol.
posté au sommet du buffet, l'un des deux anges allègres et sa trompette (non postée)
Pour tous renseignements, s’adresser à l'heureuse responsable :
tel : 04 95 61 34 85
ou : 06 17 94 70 72
17:15 Publié dans orgues historiques de Corse | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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