12/11/2020
L'harmonium monumental Alexandre d'Urtaca est revenu restauré au village
Grâce à la volonté de la municipalité d'Urtaca et de son maire, Paul-Vincent Ferrandi, si attentifs à leur patrimoine, et grâce au don magnifique de Madame Josépine Poli , prêt à reprendre son service, le grand harmonium Alexandre a retrouvé sa place dans l'église de l'Annonciation d'Urtaca.
(Corse Matin)
En 2006, Jean-Louis Loriaut avait procédé à une première intervention d'urgence sur l'instrument et souligné son grand intérêt patrimonial.
Le facteur d'orgues Alain Faye ( à qui l'on doit les très belles restaurations des orgues de Costa, Corbara - en collaboration avec Alain Sals - , de Speloncato - à la suite d'Antoine Massoni, nous a tout récemment restitué l'instrument dans toutes ses fonctions: il n'y a plus qu'à ... le faire sonner! J'espère qu'un musicien urtacais se retroussera les manches et s'attellera au labeur et plaisir d'apprivoiser et faire chanter ce monumental harmonium Alexandre, au prix, notons le, d'une gymnastique douce des muscles des membres inférieurs et des neurones adéquats ( du moins les miens, pas encore trop habitués à cet instrument qu'il me faut découvrir, et avec toute l'empathie que je ressens pour cet univers villageois).
Je ne résiste pas à partager avec vous ces délicieux documents témoins de sa belle époque d'activité, transmis par notre amie archiviste Anne-Marie Orabona (dont je salue ici le formidable travail de documentation sur le village !). Une époque bénie où tous s'impliquaient peu ou prou dans les réjouissances selon ses talents!
Cette photo témoigne de ce temps où , dans chaque village, musiquaient de nombreux violoneux, accordéoneux, guitareux, mandolineux et autres harmoniummeux ...
J'adore! Le premier compte-rendu est particulièrement juteux, façon Léon Zitrone ...
22 avril 1911 : Compte rendu du mariage de Mademoiselle Haab avec Monsieur Antoine Bartolini.
Le samedi 22 avril courant le charmant village d’Urtaca était en fête. Une de ses plus élégantes jeunes filles Mademoiselle Haab convolait en justes noces avec Monsieur Antoine Bartolini, jeune homme doué des meilleures qualités et appartenant à une des meilleures familles de la Balagne. La jeune mariée parée de toutes les beautés de l’âme et du corps qui venaient encore mieux affirmer l’émotion de son charmant visage et le voile blanc de son exquise robe fut conduite à l’autel par son cousin germain Monsieur Giacomoni Noël, commis à la trésorerie de Nice. Derrière eux pompeux et séduisant venait le cortège qui s’est déroulé dans l’ordre suivant.
- Mademoiselle Angèle Limarola en toilette liberty bleue avec voilage et mousseline de soie blanche, garnitures de dentelles et Monsieur Antoine Bartolini.
- Madame veuve Haab mère de la mariée, toilette de soie noire, garniture même ton et Monsieur Bartolini Nicolas.
- Mademoiselle Marie Haab, tout à fait charmante dans sa très élégante toilette de soie vieux rose et Monsieur Toussaint de Montirossi.
- Madame Emilie Bartolini en toilette crêpe de chine vieux rose artistement garnie et Monsieur Bartolini François.
- Madame Claire Bartolini très élégante dans sa superbe toilette de soie blanche finement brodée et Monsieur Sixte Bartolini.
- Mademoiselle Laurine Bonavita, charmante sous sa toilette empire et Monsieur Bartolini Pierre.
- Mademoiselle Catherine Limarola, toilette liberty rose et Monsieur Massiani Jean Louis.
- Mademoiselle Jeanne Molinari, toilette bleue pâle élégamment garnie et Monsieur Giacomoni Mathieu.
- Mademoiselle Laetitia Pinelli, toilette de soie blanche et Monsieur Joseph Vinciguerra.
- Madame veuve Raffalli et Monsieur Antoine Filippi.
- Mademoiselle Trojani et Monsieur Trojani.
- Mademoiselle Montecattini et Monsieur Maurice Venturini.
- Madame et Monsieur Venturini.
Remarqués à la suite Messieurs le docteur Bonavita Joseph, Bonavita Léonard, Bonavita Jacques François, Bonavita Horace, Monsieur le maire Massiani et Raffini Ange Marie. C’est en fendant les flots serrés de la population d’Urtaca accourue radieuse et rayonnante, affirmer ainsi sa sympathie très vive aux jeunes époux que les invités ont pu pénétrer dans la vaste église du village admirablement parée pour la circonstance.
Monsieur l’abbé Salvetti ami dévoué des deux familles célébra la messe et prononça un discours, ou les meilleurs conseils étaient donnés aux époux sous une forme impeccable et avec les accents de réelle éloquence. Des larmes vinrent aux yeux des jeunes mariés et de plusieurs personnes de l’assistance tout à fait captivée par le charme de cette parole et la beauté de cette allocution.
Pendant la messe d’excellents musiciens firent entendre les meilleurs morceaux de leurs riches répertoires. Les grandes orgues furent très habilement tenues. La quête fut faite par Mademoiselle Laurine Bonavita et Angèle Limarola qu’accompagnaient Messieurs Bartolini Pierre et Noël Giacomoni. Après cette imposante cérémonie, chacun se rendit dans les appartements somptueusement décorés de Madame Haab et bientôt tous les convives heureux et charmés, se trouvèrent réunis autour d’une table richement garnie de fleurs et de mets excellents. A l’heure des desserts et des toasts Monsieur Giacomoni prononça un très beau discours que le manque d’espace nous empêche bien à regret de reproduire.
Puis des chansons choisies furent habilement chantées par diverses personnes. On remarque notamment la voix mâle et harmonieuse de Monsieur Pierre Bartolini qui sut charmer tout le monde. Puis au son d’une agréable musique, maints couples dansèrent et l’on dansa si longtemps et si passionnément que l’on ne s’aperçut même pas du départ fortuit des deux époux qui sont allées cacher leur bonheur en un radieux endroit de la Côte d’Azur.
Un invité.[1]
8 mai 1949 : Commémoration de la libération et fête de Jeanne d’Arc.
Heureuse coïncidence ; Les A.C, la municipalité la jeunesse organisent la cérémonie. Le monument aux morts des deux guerres est encadré de drapeaux, orné de verdure, et de gerbes de fleurs fraîches. A l’église, la statue de Jeanne d’Arc est exposée au milieu du transept, toute fleurie de bouquets de fleurs fraîches enrubannées aux couleurs nationales et illuminées (la statue, don de la famille Alfonsi Jean Luc vient d’arriver et doit être baptisée ce jour)
A 11 heures, baptême et messe solennelle chantée par nos chanteurs d’élite (trois prêtres officient) Le chant des jeunes filles dirigé par Madame Angelofranchi institutrice, agrémente la cérémonie par de beaux et appropriées cantiques. Le père Augustin, supérieur du couvent de Zuani, dans un sermon de haut style retrace la vie de Jeanne d’Arc et dit en conclusion que la vie de Jeanne d’Arc fut un mystère que personne n’a jamais pu expliquer, car elle a passé sans transition de l’obscurité la plus complète à la plus éclatante lumière.
Après la messe, absoute au Monument aux Morts où en qualité d’anciens combattants de mutilés de guerre, le Père Augustin en termes émouvants a parlé du culte du souvenir. Dépôt d’une gerbe de fleurs par le Maire, minute de silence. Il est 12h30.
Alfonsi, donateur de la statue, sert un délicieux déjeuner à 30 de ses parents et amis, à 15 heures il offre un lunch à l’ensemble de la population. Gâteaux de toutes sortes et bonnes bouteilles garnissent les tables.
17 heures : procession, la statue de Jeanne sort pour la première fois et fait le tour du village, porté par les combattants, et suivie de toute la population. On remarque dans le cortège, l’ensemble de la jeunesse portant des drapeaux et chantant des cantiques. En fin de procession, devant le Maire, M. Ceccaldi prononce un discours circonstancié, lit un poème dédié à Jeanne d’Arc et remercie « tutu » mais surtout les organisateurs de cette belle journée du souvenir. Une vibrante Marseillaise chantée par tout le village clôt la cérémonie. Journée de souvenir pour les uns, de fête pour les autres, marquante pour tous.
Un abonné[2]
Août 1949 : Urtaca donne une fête au bénéfice de son église.
Dans le coquet village d’Urtaca s’est déroulé jeudi dernier une journée récréative qui par sa réussite, demeurera longtemps gravé dans la mémoire de ses habitants.
Cette fête donnée à la demande du Conseil paroissial et dont le bénéfice servira à la réfection du clocher de l’église fut annoncée à 11 heures par de joyeux carillons invitant la population à assister dans le recueillement à une messe solennelle. L’après-midi, devant une scène improvisée sur la place de l’église, se pressait un public nombreux parmi lesquels figuraient beaucoup d’estivants.
La partie artistique composée de chants, monologues et saynètes théâtrales fut interprétée avec beaucoup d’entrain par de jeunes artistes amateurs doués d’un réel talent, qui s’efforcèrent pendant quelques instants, de faire oublier aux assistants les soucis de la vie quotidienne.
Messe chantée par Adélia kéroul née Trojani (Soprano)
Au cours du spectacle, dans une allocution le comité des fêtes tint à remercier chaleureusement les nombreux et généreux donateurs qui répondirent spontanément à son appel en lui apportant une aide précieuse.
Cette belle journée qui s’était déroulée sous le signe de la bonne humeur, devait se terminer fort tard dans la nuit, nous pouvons même dire à l’aube, par un bal endiablé réunissant la plus grande partie de la population et de la jeunesse des villages environnants.[3]
6 décembre 1955 : Fête de Saint Nicolas. Bénédiction des nouvelles portes de l’église.
La fête de Saint Nicolas, fête de l’œuvre et de la paroisse d’Urtaca, a été célébrée aujourd’hui 6 décembre 1955, comme les années précédentes. Le temps était beau, une belle journée ensoleillée. Avant la messe, M. le curé de la paroisse Orsini, assisté en la circonstance de M. le curé Brondi de la paroisse de Ghisoni, ont procédé à la bénédiction des deux nouvelles portes de l’église confectionnées et mises en place par les soins de M. le curé de la paroisse Orsini, en présence des membres de la confrérie et de la plus grande partie des fidèles du village et de la paroisse de Lama.
La cérémonie terminée, la messe a été célébrée par M. le curé Brondi de Ghisoni, chantée avec l’accompagnement de l’orgue, suivant les coutumes anciennes « Paghiella »
Le soir à 16h 30 a eu lieu la traditionnelle procession à travers le village, suivie de la statue du grand Saint Nicolas, patron du village. La cérémonie s’est terminée en la paroisse par la bénédiction du Très saint Sacrement accompagnée de l’hymne de Saint Nicolas O Gloria di Bari chantée par toute l’assistance.
Décembre 1957 : Urtaca. La Saint-Nicolas.
« Au calendrier des fêtes religieuses, Saint Nicolas a toujours occupé une place de premier ordre dans notre paroisse ; Mais, cette année, les offices liturgiques, nous pouvons l’affirmer, ont revêtu une solennité exceptionnelle.
En effet, notre dévoué et sympathique abbé Orsini, curé-doyen du canton, organisa de grandioses cérémonies pour marquer le centenaire de la belle statue en bois doré du saint Patron de la paroisse.
Aux messes matinales succéda la grande messe solennelle chantée par le chanoine Flori, curé-archiprêtre de Calvi, assisté de l’abbé Franceschini, curé-doyen de Muro, comme diacre, et du R.P Anselme du couvent de Marcasso, comme sous-diacre ; A l’abbé Agostini, curé de Santa-Reparata, était dévolu le rôle de Maître des cérémonies. Après l’Evangile le chanoine Guidicelli, vice-chancelier de l’évêché, nous tint sous le charme de son verbe éloquent et documenté pendant une demi-heure qui nous parut trop brève ; Aux stalles du chœur nous avons noté la présence du chanoine Risterucci, vicaire-forain de l’Ile Rousse, fidèle ami d’Urtaca et de notre curé Orsini. A la tribune, l’organiste Jean François Colonna et les chantres de la paroisse MM. Maurice Venturini, Mathieu Massiani et Rosolo Ricco ont interprété en d’harmonieux accord, la traditionnelle messe en « paghiella » propre à notre village. De leurs voix cristallines les jeunes chantèrent des psaumes en Français.
A 16 heures, portée par une vingtaine d’hommes et de jeunes gens, précédée par les membres de la confrérie, la vénérée statue de Saint-Nicolas, dans le déroulement d’une imposante procession, faisait pour la centième fois le tour de notre village accompagné de l’hymne de Saint Nicolas O Gloria di Bari chantée en chœur par la foule.
Malgré une grippe d’appellation étrangère, dont nous subissons les assauts, tous les Urtacais se sont fait une joie et un devoir de participer aux cérémonies du centenaire. Nombreux furent ceux qui arrivèrent de l’extérieur : de Sofia (en Bulgarie), de Paris, de Marseille, de Toulon, de Bastia, d’Ile-Rousse, de Santo-Pietro-di-Tenda, de Corbara, etc. M. et Mme César Mattei ont droit à une mention spéciale, car ils demeurent fidèles à notre fête depuis de nombreuses années.
Aussi ne pouvons-nous que féliciter ceux qui ont contribué à la réussite de notre fête patronale : le clergé de la Balagne que nous aimerions revoir en pareille circonstance, les dames qui ont orné l’église avec un art consommé comme devait le reconnaître l’éminent prédicateur, les chantres dont M. César Mattei s’est promis d’enregistrer les modulations, et surtout notre bien-aimé curé qui fut l’organisateur émérite de cette réconfortante manifestation religieuse. [4]
6 décembre 1958 : Suivant la tradition, la fête Saint Nicolas, saint et martyr et patron de notre village, a été célébré avec ferveur. Favorisé par un beau temps, nombreux étaient les fidèles qui s’étaient rendus à l’église paroissiale pour y entendre la grande messe, à laquelle l’officiant était notre curé doyen, M. l’abbé Orsini. La messe royale de Dumont était chantée par les jeunes filles du village, l’harmonium était tenu par le jeune Orsini, frère de notre curé.
Prenant la parole après l’évangile, M. le curé à d’abord excusé M. le chanoine Fiori, curé archiprêtre de Calvi, lequel devait venir célébrer cette messe, mais qui en avait été empêché par suite de deux enterrements qui devaient avoir lieu ce jour à Calvi. Il a ensuite exhorté les fidèles à la vocation de Saint Nicolas, exemple d’abnégation et de sacrifices de la misère humaine, d’encourager les parents à la vocation sacerdotale de leurs enfants.
L’après-midi a eu lieu la traditionnelle procession à travers le village, accompagné de l’hymne de Saint Nicolas O Gloria di Bari chanté par la foule. La cérémonie s’est terminée par la bénédiction du très saint sacrement.
6 décembre 1959 : Dimanche, c’était la Saint Nicolas fête de l’œuvre patronale du village.
Les augures les plus optimistes laissaient prévoir une journée sans neige, mais personne n’aurait osé affirmer qu’un éclatant soleil devait inonder de joie cette magnifique journée.
La veille, malgré une pluie torrentielle, à 21 heures sur l’initiative de notre curé doyen Orsini, de nombreux hommes se rendirent à l’église pour écouter avec attention, une vivante causerie faite par le doyen, l’abbé Sauveur Casanova, directeur des œuvres du diocèse, sur le « problème de la foi posé aux hommes d’aujourd’hui »
Le dimanche 6 décembre, une foule nombreuse et recueillie de fidèles du village et des villages Lama, Pietralba devait remplir l’église pour assister à la messe solennelle célébrée par le curé doyen Sauveur Casanova, assisté de notre curé doyen l’abbé Orsini pour la direction des cérémonies. La messe fut chantée par les hommes en paghiella et le doyen Sauveur Casanova ne manqua pas, après son sermon, d’adresser ses chaleureuses félicitations à ces piliers des traditions ancestrales que sont les chantres des églises.
Dès 16 heures tous les fidèles se rendirent à l’église pour prendre part à la procession. Malgré les difficultés rencontrées par les hommes pour pouvoir porter en procession la lourde statue, la 101e procession a eu lieu à travers le village au son des cloches et au chant de l’hymne de Saint Nicolas O Gloria di Bari, chanté en chœur par toute la foule des fidèles. Assistent à la procession, 30 enfants de cœur venus de toute la doyenné en aube liturgique. La cérémonie s’est terminée par la bénédiction du très saint sacrement.
Cette fête célébrée par toute la population fait revivre la passé. Douce consolation que nous donne cette évocation de notre enfance, puissent ceux qui viennent pour la relève continuer la tradition.
[1] Le Petit Bastiais d’avril 1911.
[2] Le Petit Bastiais du mercredi 17 mai 1949.
[3] Le Petit Bastiais du mercredi 31 août 1949.
[4] Le Petit Bastiais du lundi 16 et mardi 17 décembre 1957.
Avant et après restauration ... Merci à Alain Faye pour ce beau travail!
J'en profite pour (re)signaler le beau livre publié en 2017 aux éditions Piazzola, hélas tout de suite épuisé! sur les deux villages voisins de Novella et Urtaca pour lequel j'avais planché sur le petit orgue de Novella et le grand harmonium d'Urtaca. Dans un note prochaine je diffuserai cet article sur ces deux instruments de la ferveur populaire.
10:40 Publié dans harmoniums de Corse, Urtaca | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |